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plus de monuments et de vestiges de la haute antiquité chrétienne que l’Afrique du Nord. Redisons-le encore : si l’on veut savoir ce que furent des catacombes et des nécropoles aux premiers siècles du christianisme, ce n’est pas à Rome qu’il faut aller, c’est à Sousse et à Tipasa. Et si l’on veut savoir ce que fut une basilique, un baptistère, un ciborium, à l’époque de saint Augustin et de saint Jérôme, c’est encore en Afrique qu’il faut venir. A Rome, les anciennes basiliques n’existent plus : elles ont été recouvertes généralement par de magnifiques édifices plus ou moins modernes, qui ne leur ressemblent que de fort loin.

En Afrique, au contraire, on n’a presque jamais rebâti sur leur emplacement. Elles sont restées telles qu’elles étaient, après que le Nomade, le Vandale ou l’Arabe les eut incendiées et jetées par terre. Aujourd’hui, on peut se promener dans l’édifice dégagé de ses décombres et des couches de terre où il avait fini par s’ensevelir. On peut monter les degrés qui conduisaient au narthex où au vestibule, s’arrêter au passage devant la vasque des ablutions, circuler à travers les nefs pavées de mosaïques, s’asseoir dans la cuve baptismale à l’endroit creusé tout exprès pour le catéchumène, toucher la balustrade qui environnait le maître-autel, descendre dans la crypte de la Confession, retrouver enfin, au fond de l’abside, le siège épiscopal vide depuis quinze siècles. Demain, si l’évêque de Constantine et d’Hippone le veut bien, il peut célébrer une messe pontificale dans la grande basilique de Tébessa. Tout est prêt pour recevoir le successeur de saint Augustin. Les quatre trous où s’enfonçaient les pieds de l’autel de bois sont encore marqués dans le carré du transept. Il n’y a qu’à remettre en place la table du sacrifice. Les nefs, où s’alignent toujours des rangées de colonnes, attendent les fidèles. Au dehors, de vastes promenoirs offrent l’abri de leurs portiques aux pèlerins et aux curieux.

Et Tébessa est loin d’être une exception. D’un bout à l’autre de l’Afrique, des basiliques semblables, plus ou moins grandes, plus ou moins bien conservées, se comptent par centaines. Si l’on se décidait à les exhumer complètement, à les réparer et à les entretenir, elles deviendraient pour le voyageur une leçon de choses sans pareille, qui rendrait inutiles tous les livres d’archéologie et d’histoire.

Carthage, en particulier, justifierait son titre de grande métropole religieuse africaine. Il est infiniment probable que