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LA FILLE D’ÉLÉAZAR[1]



PREMIÈRE PARTIE


I

Debourah ! Debourah !

La voix gutturale de la vieille Esther retentit dans le calme du jardin.

Une jeune fille, aux tresses noires, aux grands yeux hébraïques, vêtue d’une robe flottante, apparut entre les roseaux de la « Baraque » de fête.

— Que me veux-tu, mamma Esther ?… Je mets les dernières fleurs… La toilette de ma souka sera bientôt terminée…

Un sourire épanouit le visage de Debourah. En même temps, elle promena un regard satisfait sur la Baraque qui, au milieu du jardin, se dressait rustique, rouge des lueurs du couchant…

C’étaient de grosses marguerites et des lys blancs que la jeune fille choisissait d’une main délicate dans une gerbe éparpillée sur une table à tréteaux. Elle les piquait à mesure le long des parois jusqu’au plafond tapissé d’algues jaunies et de laurier. On voyait, au milieu, un grand lustre de cuivre, supportant trois veilleuses, les trois veilleuses qui devaient brûler pour les saints Abraham, Isaac et Jacob. Il en tombait une lumière très douce sur la verdure des roseaux, sur les tentures de satin rouge ornées de grappes de raisin d’or, sur les panneaux de toile blanche où figuraient Joseph vendu par ses frères et la

  1. Copyright by Elissa Rhaïs, 1920.