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était, à son tour, entrée dans la guerre, et le Président Wilson, auquel le pacte de Londres n’avait été communiqué qu’à la Conférence de la paix, refusait de le reconnaître et le déclarait contraire à ses principes.

Aussi bien, le 11 février 1919, le docteur Trumbitch, devenu ministre des Affaires étrangères du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, et délégué à la Conférence de la paix, avec M. Pachitch, qui était alors Président du Conseil, et avec M. Vesnitch, qui l’est aujourd’hui, proposait-il de soumettre le problème adriatique à l’arbitrage du Président Wilson. En sa qualité de Président de la Conférence de la paix, M. Clemenceau communiqua cette demande à la réunion qu’on appelait déjà le « Conseil suprême des Alliés ». La délégation italienne déclara qu’elle ne pouvait l’accepter. Informée de ce refus, la délégation serbe-croate-slovène suggéra, le 19 avril, au « Conseil suprême » l’idée de trancher le différend par la consultation directe des populations intéressées. Cette combinaison, qui eût retiré à l’Italie la plus grande partie des territoires riverains de l’Adriatique, fut naturellement repoussée par elle. Le Conseil l’écarta.

De son côté, la délégation italienne essayait de convaincre le Président Wilson. Ce n’était pas une entreprise facile. Le Président Wilson avait gardé un reconnaissant souvenir de l’accueil triomphal qui lui avait été fait à Rome ; mais il tenait beaucoup plus à ses quatorze points qu’à sa popularité européenne.

Le 14 avril 1919, dans un remarquable rapport adressé aux représentants italiens, il résumait les hautes doctrines pour lesquelles, disait-il, l’Amérique avait combattu et qu’elle ne pouvait trahir dans la victoire. Il acceptait de laisser à l’Italie Trieste et Pola, avec une partie, mais une partie seulement de l’Istrie ; il déclarait que Fiume n’était pas un port italien, mais un port international, qui devait être incorporé dans le nouvel État Yougo-slave et y jouir d’une autonomie réelle. Il consentait à ce que l’Italie gardât Valona et obtînt l’île de Lissa; il envisageait la possibilité de démanteler certaines fortifications, et c’était tout. Ce tout était peu, par rapport aux revendications de l’Italie. Quelques jours plus tard, le 23, le Président des États-Unis répétait avec insistance qu’il entendait ignorer le pacte de Londres, mais que, d’un autre côté, il ne pouvait attribuer Fiume à l’Italie et que les frontières naturelles de celle-ci étaient entièrement reconstituées, du moment où elles s’étendaient jusqu’à l’extrémité de la péninsule de l’Istrie. Comme Dante, il arrêtait donc l’Italie aux rives du Quarnero. Les dernières chances d’entente semblaient