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L’Italie se déclarait prête à entrer en guerre à côté des Alliés, mais elle entendait naturellement poser ses conditions. La discussion fut longue et délicate. Parmi les bénéfices variés que réclamait le Marquis Impériali, ceux qu’il mettait le plus d’insistance à obtenir touchaient aux côtes de l’Adriatique. Ils étaient, par conséquent, pour une grande partie, inconciliables avec les espérances de la Serbie. Dès le 7 décembre 1914, le gouvernement royal serbe avait solennellement annoncé, aux applaudissements unanimes de la Skoupchtina nationale, que l’agression autrichienne imposait au pays le devoir de soutenir la lutte, non seulement pour son indépendance, mais pour sa délivrance et pour l’union des Serbes, des Croates et des Slovènes. La Serbie n’avait pas été admise aux conversations de Londres; l’Italie tenait essentiellement à ce qu’un secret sévère fût gardé sur ses intentions. Mais la Russie, qui se considérait comme la tutrice des nationalités slaves, prenait ardemment leur intérêt à Londres, et il fallut que la France elle-même intervînt auprès de l’Empereur pour que fussent accueillies certaines des demandes italiennes. Enfin, le 26 avril, l’accord se fit et le marquis Imperiali remit à sir Edouard Grey, à M. Paul Cambon et au comte de Benckendorff, ambassadeur de Russie, un mémorandum auquel adhérèrent les Alliés et qui devint le traité de Londres. Il était entendu que des conventions militaires et navales allaient être établies sur le champ (art. 1 et 3). L’Italie s’engageait « à employer la totalité de ses ressources à poursuivre la guerre en communauté avec la France, la Grande-Bretagne et la Russie contre tous leurs ennemis » (art. 2). En retour, elle devait obtenir dans le traité de paix le Trentin, le Tyrol cisalpin avec le Brenner, Trieste, les comtés de Gorizia et Gradisca, toute l’Istrie jusqu’au Quarnaro avec Volosca et les îles istriennes de Cherso et Lussin, ainsi que les petites îles de Plavnik, Unie, Couedolo, Palazzuoli, San Pietro de Nembi, Asinelo, Cruica et les îlots voisins. Comme on le voit, l’Italie ne revendiquait ni Abbazia ni Fiume. Dans le golfe même, elle ne s’attribuait ni l’île de Veglia ni celle d’Arbe, et, pour se rattacher celle de Cherso, elle la qualifiait d’Istrienne. Il semblait, en un mot, que, de ce côté de l’Adriatique, elle voulût s’en tenir à la doctrine dantesque :

Si com’ a Pola presso del Quarnero
Che Italia chiude e suoi termini bagna.

Mais, plus au Sud, l’Italie se faisait promettre d’autres rivages, ceux-là mêmes que connaît si bien M. Charles Diehl et qu’il a