Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/651

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTÉRAIRE

LES POÈMES DE M. LOUIS LE CARDONNEL[1]

Le meilleur commentaire à l’œuvre d’un poète est, je crois, le récit de sa vie et des aventures auxquelles ses poèmes font allusion. L’œuvre d’un philosophe paraît plus détachée de lui et du hasard de ses journées : encore serait-il imprudent de se figurer que les idées, les pures idées, ne subissent guère l’influence de nos tribulations. Mais nos sentiments ne sont que nous à nos divers moments. Et, beaucoup plus que l’ancienne poésie, la nouvelle poésie est sentimentale. Un poète du temps qui a précédé le romantisme n’aurait point ajouté à son recueil les notes de biographie anecdotique dont Lamartine a orné les Méditations. La poésie, depuis quelque cent ans, est l’histoire et, parfois, la chronique ou le journal des âmes et de leur émoi.

D’un poète vivant, que dire ? Et l’on aurait scrupule à être moins discret qu’il ne l’a été, s’il l’a été. D’aucuns ne le sont pas du tout : M. Louis Le Cardonnel, assurément, n’est pas l’un d’eux ; et j’emprunterai seulement à son œuvre, si fière, et non pas dédaigneuse, mais chaste, les quelques indications qui aident à le lire et à le comprendre.

Il est né à Valence et il a des ancêtres en Bretagne. Il attribue aux Celtes d’où il vient son goût des grandes rêveries indéterminées. .Mais la belle Provence lui a rendu l’esprit latin. Son désir serait d’enfermer dans les lignes nettes de la pensée latine un songe plus vaste

  1. Du Rhône à l’Arno (édition de La Connaissance). Du même auteur, Poèmes et Carmina sacra (éditions du Mercure de France).