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enlevées et mises à l’abri dans des musées. On aimerait en voir au moins des reproductions dans les chambres funéraires, dont elles égayaient jadis la nudité. On souhaiterait aussi qu’on eût laissé en place ou qu’on restaurât les peintures murales et les stucages qui revêtaient certaines sépultures. Ces guirlandes de fleurs et de fruits, ces petits génies ailés, dont nous parlent les guides, n’existent plus que pour nos imaginations. Et de même, quand on chemine à travers les interminables couloirs des catacombes, on déplore que les lampes d’argile aient déserté les petites niches fumeuses qui s’échelonnent de distance en distance le long de la double paroi. Est-ce qu’on ne pourrait pas rallumer ces lampes, comme au temps où elles éclairaient de leurs mèches grésillantes les cortèges funèbres des premiers chrétiens ou les processions en l’honneur des martyrs ? Aujourd’hui, à la lueur de vulgaires bougies, dont la cire vous coule entre les doigts, on n’aperçoit plus, pendant des centaines études centaines de mètres, que le tuf sillonné de rides et de crevasses, et, de temps en temps, se tordant au-dessus de vos têtes, comme de longs serpents noirs, crevant les couches minces du plafond, des racines de figuier ou d’olivier…

Cette nudité a du moins le mérite de conserver à la catacombe son caractère primitif. Ici, non seulement on est plus près de la nature qu’à Rome, mais aussi on est plus près de la vérité. A part certains transferts jugés indispensables, rien n’a bougé, rien n’a été refait, ni altéré. Aucune surcharge, aucun embellissement. Ainsi les catacombes d’Hadrumète sont une chose réellement unique : elles ont gardé leur physionomie antique et africaine. La foi chrétienne s’y manifeste dans son austérité entière, avec son dédain pour l’artifice et la beauté extérieure. C’est, dans sa rudesse un peu campagnarde, le grenier mystique, où, derrière les pierres plates et les tuiles des loculi, comme dans les silos du Numide, sont entassées les bonnes semences de la Résurrection. Ces débris d’amphores, marqués au charbon ou au pinceau d’un nom énigmatique, comme autrefois, dans les celliers païens, les jarres portant sur leurs panses les noms des consuls, — elles évoquent l’idée d’on ne sait quelles célestes Vendanges…

Mais surtout, grâce à leur repos, rarement violé par l’indiscrétion des touristes, ces catacombes d’Hadrumète sont restées vraiment des cubicula, des dortoirs pleins de Dormants, dont il