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antiquité, cette colline dut être un lieu de sépulture. On y a retrouvé des cimetières romains, des nécropoles puniques, et enfin de vastes catacombes chrétiennes, des kilomètres de galeries, percées dans le tuf, couloirs spacieux et assez hauts de plafond, d’autres fois resserrés et bas comme des boyaux de mine, et dont les parois, souvent même le sous-sol, sont littéralement gorgés de cadavres. Pour l’ensevelissement de leurs morts, les chrétiens avaient utilisé non seulement les hypogées païens, mais des corridors d’anciennes carrières, des citernes et des silos abandonnés. Installées dans ces greniers vides, sous terre, dans le voisinage des germes et des racines, les catacombes chrétiennes justifient la comparaison, — si fréquente chez saint Augustin et les Pères de l’Eglise, — des corps ensevelis avec le froment conservé dans les silos pour les semailles et les moissons futures. Bien loin que tout soit fini pour eux ; ils ne sont là qu’en dépôt, comme le blé qui va germer au printemps. Ils attendent la Résurrection : reservantur, ils sont mis en réserve par le bon Laboureur…[1].

Déjà plus de dix mille sépultures ont été inventoriées. Plusieurs groupes de catacombes ont été déterminés avec précision. Les deux plus importants sont ceux d’Hermès et du Bon Pasteur, le premier ainsi dénommé parce qu’on y a découvert un cubiculum avec une mosaïque portant cette inscription : « Hermès à son épouse et à ses enfants très chers, Hermes conjugi et filiis dulcissimis, » — et le second parce qu’on y a déterré une plaque de marbre où est gravée l’image symbolique du Berger tenant sur ses épaules la Brebis perdue ou blessée. Ici, l’image est très caractéristique. Le berger a les jambes nues comme les pâtres nomades des Hauts Plateaux, et la brebis est un mouton africain à la grosse queue étalée en éventail et aux cornes recourbées.

Ces catacombes d’Hadrumète sont de véritables villes souterraines. Du haut en bas, les parois des galeries renferment des squelettes superposés et noyés dans la chaux. Comme dans les cimetières espagnols d’aujourd’hui, on dirait les tiroirs étages d’une armoire sans fin. Ici, l’appareil de fermeture et l’ornementation sont de la plus extrême simplicité. Une pierre plate bouche l’ouverture des loculi, ou bien une simple tuile, ou même un morceau d’amphore. Le nom du défunt, parfois la

  1. Voir le livre important de Mgr Leynaud : Les Catacombes africaines. Sousse, 1910.