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Tout en ouvrant de nouvelles zones d’excavations, on achèverait de réparer, dans la mesure du possible, les monuments déjà relevés ou exhumés. Le théâtre appelle des réparations de ce genre. Toute sa façade est à remonter. Les matériaux gisent à pied d’œuvre Qu’on déblaie les abords de l’ancien portique, qu’on essaie même, avec les fûts de colonnes qui subsistent, d’en marquer les grandes lignes. Et pourquoi ne referait-on pas la mosaïque de la scène ? Pourquoi la réfection de la colonnade, — ce décor architectural qui formait le fond de la scène, — ne serait-elle pas, elle aussi, poussée jusqu’au bout ? Même travail pour lis gradins supérieurs : la galerie percée de cinq portes, qui couronnait le théâtre, pourrait être au moins indiquée. Et enfin des copies de statues ont leurs places marquées soit sur la scène, soit sur l’orchestre, — ou encore au sommet des gradins, tout en haut du théâtre.

Quant au temple Capitolin, il importerait de le dégager complètement, en abattant ce qui reste de la forteresse byzantine. Serait-ce même un si scandaleux attentat contre les bonnes méthodes et un tel outrage au bon goût que de refaire partiellement le stucage de la cella, de rétablir, par exemple, un des pilastres qui prolongeaient la colonnade du péristyle ? Le temple de la Déesse Céleste pourrait peut-être rester en l’état actuel. Mais il faut absolument rebâtir les deux arcs de triomphe, dont il est tout à fait impossible, aujourd’hui, de deviner le profil intact, — et surtout je demande que l’on rétablisse les inscriptions dédicatoires aux empereurs, et, si c’est nécessaire, qu’on les refasse dans leur intégrité.

Évidemment, tout cela nécessitera de grosses sommes. On pourra même soutenir que ce sont là des projets en l’air, des rêves chimériques. Avec une volonté persévérante, un programme méthodique et bien défini, ces rêves peuvent devenir la réalité de demain. En tout cas, il est impossible de rien entreprendre qui fasse plus d’honneur à la Tunisie, qui lui attire plus sûrement la curiosité des voyageurs. Ce décor antique ressuscité serait une chose sans pareille, qui ajouterait son prestige à celui du moderne décor africain, ou, comme nous disons complaisamment, « oriental. »

De Thugga, ville agricole, aux villes désertiques, la transition