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Pologne, s’efforcèrent, chacun à sa façon et parfois en concertant leurs efforts, de supprimer la nation polonaise. Les moyens employés étant très divers, très diverses furent les réactions. L’Autriche accorda à la Galicie une autonomie relative et se contenta, pour assurer son pouvoir, d’entretenir entre les classes de la société polonaise de multiples et perpétuelles divisions. Le socialisme galicien fut en grande partie l’œuvre de Vienne ; et c’est encore Vienne qui réveillait, dès qu’elle semblait s’assoupir, l’hostilité des paysans ruthènes contre les propriétaires polonais. Le gouvernement tsariste partit de ce principe, — je l’ai entendu moi-même exposer par un diplomate de l’ancienne Russie, — qu’il n’y avait pas de Polonais, mais seulement des sujets russes catholiques et rebelles, qu’il fallait contraindre à l’obéissance. D’où une série de mesures dont la maladresse seule tempérait quelquefois la cruauté : persécutions odieuses et tracasseries imbéciles, répressions brutales, enfin massacres sauvages lorsqu’il s’agissait de « rétablir l’ordre » à Varsovie ou ailleurs. L’Allemagne s’attacha surtout à déraciner les traditions nationales et à détruire la propriété foncière : elle bannit la langue polonaise des écoles, des tribunaux, de l’armée, de toute la vie publique, expropria les grands domaines et les fit exploiter par des colons prussiens. Russie et Allemagne poursuivaient le même but ; mais, tandis que Pétersbourg agissait par à-coups, réparant ses erreurs et vengeant ses mécomptes par un redoublement de stupide violence, Berlin procédait avec une méthode rigoureuse, selon une progression calculée, minutieuse, impitoyable. Russes et Prussiens devaient échouer également dans leur criminelle entreprise.

Les Polonais d’Autriche, qui étaient, au moins en apparence, de beaucoup les moins maltraités, n’eurent pas trop de peine à conserver leurs traditions nationales ; en revanche, ils se laissèrent facilement corrompre par les mœurs politiques de Vienne et suivirent avec une docilité inconsciente les directions ultra-conservatrices que leurs maîtres leur suggéraient. Ceux de Russie passèrent par des alternatives de révolte et de soumission qui brisèrent leur résistance ; l’influence russe les a marqués ; moins brutale, mais plus insinuante, l’influence juive a agi sur eux comme un dissolvant ; et l’on conçoit fort bien qu’aujourd’hui ils s’efforcent d’éloigner l’une et d’éliminer l’autre. Enfin les Posnaniens, tout en retenant de l’éducation prussienne ce