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M. l’abbé Lutoswaski ? vous aurez intérêt à causer avec lui, et je vous laisse entre ses mains.


LE RÔLE POLITIQUE ET SOCIAL DU CLERGÉ

L’abbé m’entraîna vers la buvette, me fit asseoir à une table et commanda deux limonades à la framboise. Ses gestes étaient rapides et décidés ; pendant les quatre pas que nous avions faits, il avait rendu dix saluts et autant de poignées de main ; toute sa personne respirait la vivacité, l’entrain et la bonne humeur. Je savais que ce jeune prêtre, intelligent et instruit, s’était acquis rapidement à la Diète une réputation d’orateur.

— Inutile de vous demander, fis-je, si le clergé polonais s’occupe beaucoup de politique…

— Comment ne s’en occuperait-il pas ? répondit l’abbé Lutoswaski. Il jouit d’une grande influence, et cherche à s’en servir au mieux des intérêts de la religion et du pays. Dans toute la Pologne, les prêtres ont pris une part active à la préparation des élections ; ils ont parlé en chaire, discuté dans les réunions publiques. Une trentaine se sont fait élire députés : il y a peu de curés parmi eux ; presque tous sont des prêtres libres, qui n’exerçaient point de ministère. N’empêche que trente députés ecclésiastiques, nous estimons que c’est beaucoup trop. Notre dessein n’est pas de former en Pologne un parti confessionnel, qui n’aurait pas de raison d’être : le pays est catholique dans sa très grande majorité, et l’anticléricalisme y est à peu près inconnu. Il n’y a donc pas apparence que la lutte politique se porte sur le terrain religieux. Les prêtres-députés sont distribués un peu dans tous les partis : il y en a dans la Démocratie-nationale, dans la Coalition de M. Skulski, dans le Club Bourgeois ; on n’en trouve aucun dans les fractions socialistes.

« Mais nos évêques pensant avec raison que les fonctions du sacerdoce sont plus utiles que celles de députés. Aussi adopterons-nous, aux prochaines élections, une tactique un peu différente : il y aura moins de prêtres candidats et il y en aura davantage dans les comités électoraux. L’effort du clergé ne tendra qu’à faire élire les laïques les meilleurs. Nous avons d’ailleurs à exercer une action sociale, dont nos confrères