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familières que celles de Pologne ; mais ce ne sont pas eux qui gouvernent. Dans les classes moyennes et populaires, l’Angleterre et la France contemporaines sont fort mal connues, et les quatre années de guerre, en isolant complètement la Pologne de l’Europe occidentale, ont achevé de rompre le contact.

Tant que durèrent les hostilités, le seul lien officiel entre la Pologne et les pays de l’Entente fut le « Comité National de Paris ; » dans l’opinion de la grande majorité des Polonais, il n’en existait pas d’autre. Or les éléments du Comité de Paris étaient empruntés pour la plupart au groupement politique appelé « Démocratie-Nationale. » Il en résulta que les représentants de ce parti en Pologne se réclamèrent du privilège d’être dans leur pays les seuls interprètes autorisés de l’Entente, de sa politique et de son programme. La situation ainsi créée n’allait pas sans inconvénient : on s’en est aperçu au cours-des négociations de paix ; on s’en aperçoit mieux encore aujourd’hui.

L’armistice de novembre 1918 amena en Pologne, d’abord des journalistes des pays de l’Entente, puis des missions alliées. Les uns et les autres furent accueillis avec enthousiasme. A Varsovie, la joie toucha au délire, lorsqu’on vit enfin dans les rues des officiers, des soldats qui ne portaient pas le casque à pointe, qui n’étaient pas des Allemands : les Alliés furent reçus, fêtés comme on ne peut l’être qu’en Pologne. On fit très vite connaissance. Mais, ainsi que me le faisait justement observer un Polonais, « avoir fait connaissance, ce n’est pas encore se connaître, et encore moins se comprendre. » Pour que ce travail nécessaire de rapprochement et de pénétration réciproque s’accomplisse et porte ses fruits, il faut du temps, de la patience et du savoir-faire : je ne parle pas de la bonne volonté, qui, des deux côtés, est entière.

Les récents événements ont créé entre la Pologne et la France un lien nouveau : nous avons montré aux Polonais, d’abord qu’aucun avènement ne pouvait ébranler notre confiance en eux et notre foi dans les glorieuses destinées de leur patrie ; ensuite que notre dévouement à leur cause n’était pas épuisé du fait que leur cause avait triomphé une première fois, et que, comme nous les avions aidés à reconquérir leur indépendance, nous entendions les aider à la défendre. Au moment du danger, nous ne soin mes pas venus chez eux en censeurs ou en juges, mais en amis : voilà, je crois, ce que les Polonais n’oublieront jamais.