Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

constituer des groupements confessionnels. Ainsi naquirent, par l’initiative de Mgr Stablewski, archevêque de Posen et Gnesen, et du prélat Stichel, député au Reichstag, des sociétés d’ouvriers catholiques, qui, à la veille de la guerre, groupaient, dans trois cents villes et villages de Posnanie, 150 000 travailleurs. Le premier but poursuivi fut l’éducation politique et sociale de l’ouvrier et du paysan : on organisa des cours et des conférences, on fonda des journaux populaires, dont le principal compte aujourd’hui cent mille abonnés. Bientôt l’effort du clergé, dirigé par un prélat qui m’a paru être tout ensemble un apôtre admirable et un merveilleux homme d’affaires, Mgr Adamski, se porta vers l’organisation économique et, à côté des œuvres d’éducation, l’on vit naître des coopératives, des caisses rurales et des banques. Toutes ces institutions avaient un caractère exclusivement polonais. De son côté, Mgr Stablewski répondait aux lois scolaires de persécution en décidant qu’aucun enfant ne serait admis à la communion s’il ne savait lire, écrire et réciter le catéchisme en langue polonaise. Ainsi fut préservé et entretenu en Posnanie l’esprit national, en dépit des efforts brutaux et persévérants du prince de Bismarck et de M. de Bülow. La loi prussienne était obéie, mais détestée ; observée à la lettre, mais rendue vaine par des initiatives aussi prudentes que courageuses. « Les Prussiens n’ont pas réussi à faire de nous, des esclaves peureux, me disait en souriant Mgr Adamski, mais seulement des gens circonspects. » (Vorsichtige Leute.)

Je n’étais pas retourné en Posnanie depuis le mois de décembre 1906 : l’occasion de mon voyage avait été la mort et les funérailles de l’archevêque de Posen et Gnesen, Mgr Stablewski. Je n’ai pas vu beaucoup de cérémonies plus émouvantes que le service funèbre célébré à la cathédrale en l’honneur de ce grand patriote, devant une foule accourue des plus lointaines campagnes polonaises, et en présence du général prussien délégué par l’Empereur. Le discours prononcé par un jeune chanoine, qui est aujourd’hui le cardinal Dalbor, suscita dans toute l’assemblée un enthousiasme que je compris mieux quelques heures après, lorsqu’on m’eut expliqué que l’orateur ne s’était pas fait faute d’exalter l’œuvre patriotique de l’archevêque défunt, et avait emprunté ses citations à Mickiewicz autant qu’à l’Écriture. Le représentant de Guillaume II, qui n’entendait pas le polonais, avait écoulé sans sourciller la séditieuse oraison