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laissez-nous reprendre vigueur et fortifier en nous un sentiment national, que les efforts maladroits, mais continus de la politique russe tendaient à étouffer, et ont réussi à affaiblir.

Après avoir exposé, sans en diminuer la valeur, les objections que soulève en Pologne l’idée d’un rapprochement avec la Russie, je n’aurai garde de passer sous silence les efforts accomplis par de nombreux hommes d’État polonais pour préparer une entente qu’ils jugent indispensable. Il est désormais permis, et peut-être n’est-il pas inutile, de révéler que le projet de la marche sur Kiew avait rencontré, au ministère polonais des Affaires Etrangères, de très vives oppositions. Dans les commissions de la Diète et du Conseil de la Défense Nationale, M. Dmowski et ses amis n’ont jamais cessé de soutenir qu’il fallait s’entendre avec la Russie et que toutes les forces de la Pologne devaient être concentrées à l’Ouest, face à l’Allemagne, la seule irréconciliable ennemie. De grands journaux varsoviens, comme la République, qu’inspire M. Paderewski, et le Journal Universel, organe des conservateurs, ont toujours préconisé une politique analogue. Enfin, pendant mon séjour à Varsovie, j’ai entendu plusieurs fois un Russe, M. Savinkoff, rendre hommage à la bienveillance et à l’esprit de conciliation avec lesquels ses ouvertures avaient été accueillies, non seulement dans les cercles du Parlement et de la grande presse, mais jusqu’au Belvédère.

Appelé une première fois à Varsovie au mois de janvier, M. Savinkoff avait vu ses efforts échouer, beaucoup moins devant les exigences polonaises qu’en raison de l’intransigeance et de l’incapacité politique du général Denikine. Il revint à la charge au mois de juin et put alors conduire avec plus de liberté et un meilleur succès des négociations dont on appréciera l’importance, le jour où certains accords conclus à la fin de juin pourront être connus complètement. Aidé de quelques amis, M. Savinkoff a fondé à Varsovie un journal qui soutient avec énergie et avec prudence la thèse du rapprochement russo-polonais. Elle répond si bien à l’intérêt des deux pays qu’il ne faut pas douter, qu’en dépit de certaines oppositions, elle ne finisse par triompher.