caractère défensif, qui accompagnaient la Petite Entente, étaient surtout inspirés par la crainte d’une agression de la Hongrie. M. Benès s’était, d’ailleurs, empressé de proclamer la neutralité de la Tchéco-Slovaquie dans la guerre russo-polonaise et la Narodni Politika, commentant les déclarations du ministre, précisait que le principal objet des négociations engagées entre Prague, Bucarest et Belgrade était d’opposer une barrière à la poussée germano-magyare. Mais c’est peut-être en Jougo-Slavie que l’émotion a été le plus vive, lorsqu’on a supposé que la France voulait pousser les Serbes, les Croates et les Slovènes à attaquer, d’accord avec la Hongrie, leurs « frères de Russie. » Les « frères de Russie, » c’est l’expression même dont s’est servi l’honorable M. Vesnitch, Président du Conseil, pour justifier, à son tour, la neutralité de son pays entre les Soviets et les « frères polonais. » Pas plus, du reste, que M. Benès, M. Vesnitch n’a caché que la Petite Entente était essentiellement une précaution prise pour assurer l’exécution intégrale du traité de Trianon et pour étouffer les désirs de revanche des Magyars.
La France ne peut pas demeurer indifférente à des sentiments qui se manifestent, avec une telle unanimité, chez des peuples amis. J’entends bien que, depuis quelque temps, la Hongrie a montré envers nous des dispositions assez favorables. Elle a offert à notre industrie des avantages que notre ministère des Affaires Étrangères, protecteur officiel des intérêts français, ne pouvait dédaigner ; elle nous a proposé le contrôle de ses chemins de fer, celui de sa banque de crédit, celui de son régime fluvial. Nous avons accepté et nous avons bien fait, dans notre intérêt, d’abord, et aussi dans l’intérêt de nos amis slaves et roumains. Mais lorsque la Hongrie s’est, en outre, engagée à nous prêter, au besoin, ses forces militaires pour combattre l’armée rouge et lorsque certains d’entre nous se sont imaginé qu’ils pourraient unir sous les mêmes drapeaux les Tchèques, les Jougo-Slaves, les Roumains et les Magyars, ils ont, comme il arrive trop souvent aux Français, pris leurs désirs pour des réalités. Pour combattre les Bolchevistes, par où les Hongrois auraient-ils passé ? Ils auraient traversé des provinces qui leur appartenaient hier et qui font aujourd’hui partie de la Tchéco-Slovaquie. De quel œil le gouvernement de Prague pouvait-il voir une telle invasion ? Et comment ne pas comprendre, d’autre part, ce que me disait récemment un membre du cabinet roumain : « Ce qu’on nous demande est impossible. Oublie-t-on que la Transylvanie est pour nous ce qu’est pour vous l’Alsace-Lorraine ? Les Hongrois