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préparer avec le gouvernement de Bruxelles une coopération militaire éventuelle. Une conversation officieuse avait eu lieu, quelques années avant la guerre, sous la forme la plus hypothétique, entre des officiers anglais et belges, et lorsque les Allemands ont trouvé, pendant l’occupation, la trace de ces stériles précautions, ils ont immédiatement essayé d’en dénaturer le caractère et de leur donner, contre toute justice, une portée agressive. Mais la France avait poussé le respect de ses obligations jusqu’à s’abstenir même d’entretiens de ce genre ; et, le jour du péril, elle se trouva dans l’impossibilité de porter, aussi rapidement qu’il l’eût fallu, quelques-unes de ses forces en Belgique. Je me rappelle qu’à ce moment, une partie de l’opinion belge nous reprochait, non sans apparence de raison, notre lenteur et notre inertie et, si le roi Albert n’était intervenu lui-même pour calmer des impatiences trop excusables, nos retards auraient risqué d’être fort mal interprétés. Il ne faut pas qu’en cas d’agression nouvelle, d’aussi fâcheux flottements se puissent reproduire. Les deux nations ont un égal intérêt à ce que leur défense soit concertée d’avance et à ce que rien ne soit laissé au hasard.

Pour réduire à cinq, dix et quinze ans l’occupation interalliée de la Rhénanie, MM. Lloyd George et Wilson nous avaient fait espérer l’assistance immédiate de l’Angleterre et de l’Amérique en cas d’attaque de l’Allemagne. Mais le billet que nous avait remis M. Lloyd George, devait, pour être payable à l’échéance, être endossé par les États-Unis, et les démêlés du Sénat avec M. Wilson ont retardé jusqu’ici la signature américaine. Le drapeau étoile et le pavillon britannique continuent, sans doute, à flotter sur le Rhin. Mais c’est là, pour la Belgique et pour nous, une caution morale plutôt qu’un véritable soutien militaire. Nous avons donc besoin de nous tenir coude à coude et d’être prêts à tout événement. Personne ne croira qu’une telle entente ait une pointe dirigée contre l’Allemagne ; elle est purement défensive ; et pas plus en Belgique qu’en France, elle ne saurait alarmer aucun partisan de la paix. Si l’échange définitif des lettres gouvernementales a plus tardé qu’on ne le pouvait prévoir et a exigé de nouvelles conversations entre M. Millerand et M. Delacroix, la discussion n’a jamais porté sur le principe, mais seulement sur des points secondaires qu’il convenait de régler avec soin. L’essentiel est qu’à l’avenir la Belgique et la France demeurent intimement unies. Comme le remarquait, ces jours-ci, avec un sens très juste des réalités, un écrivain belge fort distingué, M. Dumont-Wilden, cette union est la loi même de l’histoire et de la géographie. Les fleuves