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évidente prédilection. La Bavière était morte, elle abandonnerait bientôt les derniers vestiges de son autonomie pour se fondre dans l’Empire. Par une faute insigne, on lui avait fait à Versailles une situation qu’elle ne méritait pas. « À la longue, écrivait Schipfer, tous les droits réservés sont incompatibles avec les buts de l’Empire », et il nommait les accords de Versailles « une page haïssable dans l’histoire allemande. » Selon le point de vue des particularistes, le Reich n’est qu’un élargissement de l’ancienne confédération, non une création nouvelle : les États ne lui ont donc cédé que certains droits étroitement spécifiés, mais ne lui ont pas accordé un mandat général ni une autorité sans limites. Les juristes prussiens au contraire, Zorn par exemple, soutenaient avec une arrogance doctrinale la thèse de la soumission absolue : les États avaient complètement abdiqué en faveur de la puissance impériale ; ils lui avaient fait pleine et entière remise de leur existence ; ils lui avaient abandonné tous leurs droits, et ceux qu’ils conservaient encore lui avaient été rendus par elle, dans un élan de générosité volontaire. En conséquence, l’Empire pouvait toujours reprendre ce qui lui appartenait, s’attribuer, par simple mesure législative, des pouvoirs d’administration à l’intérieur des États, et agir directement sur les fonctionnaires de chaque pays confédéré. Il ressortait de cette doctrine que le Reich avait le droit d’agir en raison de ses propres convenances, d’après des considérations purement politiques, mais non juridiques. Tels étaient les prétextes, brutalement exprimés, par lesquels le système unitaire tentait de se substituer au système fédératif.

Le manque d’égards était flagrant et blessa plus d’une fois la susceptibilité bavaroise. En même temps que l’Empire, par tous les moyens, essayait de se soumettre complètement l’armée du royaume, c’est sur celle-ci que pleuvaient de préférence les injures prussiennes. Bismarck au moins lui décerna toujours quelques éloges. D’autres au contraire n’eurent pas la même circonspection ni la même habileté. Au début de 1900, un junker de l’Est, Oldenburg-Januschau, bien connu pour son pangermanisme échevelé, parla au Reichstag des contingents de l’Empire, sans faire aucune distinction entre les troupes bavaroises et les autres corps allemands : Berlin, à l’en croire, commandait partout. Ce discours provoqua à Munich les récriminations du député Gunther. Le ministre de la Guerre, von