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petite maison jaune ; énigme perpétuelle ; sans cesse, je cherchais à percer du regard ses murs jaunes et irréguliers qui se coupaient presque à angle droit ; j’interrogeais le mystère des rideaux blancs très simples qu’encadraient des volets bleuâtres. Jamais ils ne se soulevaient, jamais une figure ne s’accoudait aux petites balustrades.

J’y voyais bien le matin secouer la poussière d’un chiffon ; mais c’était l’heure neutre, l’heure d’aération où la vie intérieure est absente des pièces, où ceux qui les animent d’habitude perdent eux-mêmes leur personnalité sous l’éponge et sous l’eau.

Les vitres se refermaient, le mystère entr’ouvert recommençait. Quels étaient donc les gens que couvrait ce toit, ce toit bizarre comme les murs jaunis, irrégulier comme eux ?

Il était d’ardoise ; quand il pleuvait, elle reluisait, brillait et reflétait le ciel ; le soir, sous le ciel cotonneux, elle était d’un gris renfrogné ; le lendemain matin, elle était bleu foncé, presque noire, parce que le soleil éclatait sur le mur jaune, qui devenait orange.

Une lucarne s’ouvrait sur ce toit ; c’était un œil sur l’intérieur et j’eusse aimé y appliquer le mien, curieux, un pou moqueur et sentimental. À côté, une cheminée fumait, elle aussi ; mais elle ne fumait pas d’un bleu vrai ; ce n’était pas le bleu du tuyau de pauvre qui était comme un phare au bout de mon jardin.

Le nez aplati contre la vitre que je mouillais de buée, je suivais une lumière qui s’allumait au visage de la mystérieuse maison ; c’était une lampe qu’on promenait ; dans le mur jauni, devenu gris sous le toit foncé, derrière les branches estompées, elle faisait une tache d’or, qui allait, qui venait, qui se posait pour repartir encore, âme errante qui brillait sans éclairer.

Je m’agitais ; qui avait allumé cette lampe ? qui la tenait ? qui la promenait avec cette célérité que bonne maman eût certainement désapprouvée ! Car il était impossible que cette lampe ne fumât pas ; son verre allait se noircir, et un courant d’air l’éteindrait…

Mon Dieu ! que j’aurais voulu savoir et voir ce qu’il y avait dans cette maison, et dans tant d’autres maisons ! Voir comment c’était arrangé chez les autres, si c’était comme chez nous ! Après une lecture attentive des Contes de Perrault, j’avais