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LA
RECONSTITUTION MINIÈRE DE LA FRANCE

Les étrangers qui nous abordent gaiement, venant d’un pays allié où n’a pas sévi l’invasion, s’étonnent parfois de nous voir accueillir avec quelque amertume leurs paroles aimables, leurs protestations de sympathie, leur satisfaction de se remettre à commercer et à vivre. Ils reprochent aux Français d’avoir perdu le sourire. Alors nous les conduisons dans la zone des destructions et des massacres, devant ces villes dont il ne reste plus pierre sur pierre, devant ces usines scientifiquement annihilées, devant ces champs de mort où dorment l’activité, la joie et l’espoir de notre jeunesse… Le temps passe et les ruines restent ! En dépit de tous les efforts, nous n’arrivons pas à rendre habitable notre demeure de famille profanée, à « cultiver notre jardin. » Et l’impatience nous prend en constatant que la vie, au lieu de s’améliorer, semble devenir chaque jour plus coûteuse et plus difficile. Des problèmes, autrefois presque ignorés de la foule, comme ceux du charbon, des transports et du change, attirent maintenant l’attention publique et, sans en comprendre toujours le mécanisme, la gravité, ni la part contributive dans le malaise général, on s’aperçoit douloureusement qu’ils existent, comme on apprend la présence d’un organe en le sentant malade. Pour nous borner au charbon, chacun conçoit aujourd’hui plus ou moins nettement le rôle prépondérant de ces vilaines pierres noires dans notre civilisation moderne et les difficultés inextricables auxquelles on se heurte quand, non seulement leur prix augmente (ce qui serait à la rigueur réparable), mais quand la substance même fait défaut. Aussi