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est de même pour Vienne. » Le moins qu’on puisse dire est que partout, voire dans les régions les plus lointaines et les moins accessibles à notre influence directe, les sympathies vagues, ou endormies, ou mourantes, sont devenues précises, actives, vigoureuses ; et que toutes favorisent la cause du français.

La guerre nous a fait perdre l’accès de la Russie, momentanément au moins ; mais elle nous a gagné le cœur de l’Amérique. D’après un calcul publié au mois de mai 1919[1], dans les écoles secondaires des États-Unis, 200 000 élèves apprenaient le français, 1 000 l’italien, 150 000 l’espagnol ; dans les collèges et les universités, 75 000 étudiants apprenaient le français, 2 000 l’italien, 50 000 l’espagnol ; soit en tout, pour le français, 275 000. Encore l’auteur de ce calcul, tout en souhaitant qu’on fît à l’italien une place plus large, espérait-il aussi que le nombre des jeunes Américains apprenant le français s’accroîtrait sans cesse. C’est le résultat d’un mouvement commencé depuis plusieurs années, l’Amérique s’étant aperçu que la science allemande était très différente de la culture dont elle avait besoin ; sans doute aurait-il continué de lui-même ; mais combien la communion des deux peuples dans l’idéal et dans le sacrifice ne l’a-t-il pas favorisé ! Quelles que soient les désillusions inévitables qui naîtront dans la suite, et qui s’expliquent en partie par l’excès d’une admiration d’abord trop flatteuse pour nous, en partie par les conditions défectueuses dans lesquelles beaucoup de soldats américains se sont trouvés pour observer la vraie France, en partie par ce que notre époque troublée porte en elle-même d’exceptionnel et de contradictoire, le résultat est acquis maintenant : les États-Unis ont pris à cœur, pour le dire avec M. le professeur Wigmore, de Chicago, de « remettre à leur vraie place la science et la culture françaises en Amérique. » Enregistrons, parmi les gains les plus sensibles de cette guerre, parmi ceux dont nous apprécions davantage l’honneur, cette volonté d’un grand peuple. Prenons soin, ici encore, de donner la parole aux étrangers plutôt qu’aux Français, suspects en la matière : lut-on jamais plus chaud plaidoyer en faveur de notre langue que celui-ci ? Il a été écrit à New-York, en 1918, par M. Mc Dougall Hawkes, président de l’Institut français aux États-Unis :

  1. E. H. Wilkins, The Bulletin of the New England Modern Language Association.