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venus d’au-delà des monts, d’au-delà des mers, se rejoindre et se confondre sous notre ciel, il faudrait les rappeler tous et toutes, par reconnaissance pour ceux qui les ont fait entendre, et pour que nous prenions mieux conscience de la grande force d’amour qui nous enveloppe, gage sûr de l’avenir. J’en veux retenir seulement deux exemples, l’un pour son éloquente beauté, l’autre pour sa simplicité même : la prière qu’écrivit à Madrid le grand poète mexicain Amado Nervo ; le mot que prononça l’un des soldats de ce grand Empire britannique, si âpre à défendre ses intérêts, mais si solide aussi, si délicat dans ses affections ; datant tous les deux de Verdun. Voici la prière :

Dieu protège la France la magnifique. Dieu protège la France l’initiatrice, Dieu protège la France qui a toujours su se donner au monde en holocauste, la France qui arrose de son sang précieux les lys diaphanes des idéals suprêmes, pour qu’ils parfument ensuite nos esprits, la France qui sème le blé divin du rêve, afin que plus tard il se change pour nous tous en Eucharistie !

… Jeune Amérique, ô ma lointaine et vigoureuse Amérique, où se forgent de nouvelles races, rejetons fleuris d’une souche qui sut fatiguer la renommée, je sais bien quel est le cri que vingt républiques à l’audace tumultueuse font entendre en un chœur qui se mêle à la musique des deux Océans.

En ces heures peut-être définitives, tandis que sur la blancheur de la neige s’épand tragiquement un sang qui ne s’est jamais marchandé pour les rédemptions, voici le cri qui résonne : Dieu protège la France[1].

Voici l’autre, tel qu’il fut recueilli par un observateur pénétrant de l’âme anglaise, alors combattant au front des Flandres :

C’était à Amiens. J’avais pris le tramway qui mène de la gare, par le boulevard d’Alsace-Lorraine, jusqu’à la route d’Albert, où je devais attendre quelque camion qui me rapprochât de mon secteur. Le tramway était rempli de soldats australiens qui regagnaient avec moi le front. Ces beaux soldats, venus de l’autre bout du monde pour défendre le sol sacré de la France, riaient et chantaient, avant de mourir peut-être demain. À un arrêt, une jeune femme, vêtue de noir, monta, accompagnée de sa fillette. En voyant cette femme et cet enfant qui, sans doute, portaient le deuil d’un héros de France, les Australiens cessèrent leurs rires ; et je vois encore, je verrai tou-

  1. E. Martinenche, l’Amérique latine et la guerre, 1918.