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s’y passer. En revenant vers Caeskerke, il rencontre, arrête, et arraisonne une de nos voitures d’ambulance qui trotte vers le pont : La réponse « Rouge Croix » ne permet aucun doute, et cinq Allemands qui montent cette voiture sont aussitôt capturés.

En apprenant ce nouvel incident, je ne puis plus douter que des Allemands aient franchi nos lignes, mais où, quand, et en quelles quantités ? D’autre part, s’il s’était passé quelque chose de grave, je recevrais certainement quelque information, alors qu’il ne m’en arrive aucune. Il me parait inopportun d’ouvrir une enquête immédiate pour expliquer la présence des Allemands de la voiture dans nos lignes, car le temps, qui reste très mauvais, reste aussi très propice à de nouvelles aventures, et je songe toujours à la méprise du début de la nuit. Finalement, comme l’obscurité reste opaque, mais que le jour est proche, je décide de l’attendre pour éclaircir la situation, et je reste très préoccupé.


26 octobre.

A l’aube, dans les prairies au Sud de la route, j’aperçois un groupement assez nombreux que je reconnais, à la jumelle, pour être composé d’Allemands, de Belges et de marins. Puis, je remarque que les Allemands seuls portent leurs fusils, et il est évident que Belges et matins sont leurs prisonniers. Ramassant aussitôt les marins et les agents de liaison de mon Q. G. je fais appel à un peloton de cyclistes belges cantonné dans le voisinage immédiat, et je lance le tout à l’attaque par l’Ouest, tandis que le commandant Mauros fait attaquer, de l’Est, par les marins de l’Yser Sud. Se voyant cernés, les Allemands se rendent, et leurs prisonniers sont délivrés. Parmi ces derniers se trouve le médecin belge van der Ghinst, par qui l’on apprend que les Allemands, avant de faire leur soumission, ont tué une partie des prisonniers, dont le commandant Jeanniot.

Je suis abasourdi par ce phénomène extraordinaire de prisonniers faits par les Allemands à l’intérieur, de nos deux lignes, et sur la rive gauche de l’Yser, mais des renseignements m’arrivent enfin, et si peu précis qu’ils soient, ils me permettent de reconstituer à peu près ce qui s’est passé pendant la nuit. Les Allemands ont traversé nos lignes, à l’effectif d’au moins deux compagnies, probablement par le remblai du chemin de fer de Zarren, mais aussi par la route d’Eessen. Il n’y a pas eu