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donc sur les trois quarts du cercle, et les coups de revers vont constituer notre ordinaire normal.

J’avise le général d’Urbal de cette situation, et il me répond par une lettre si caractéristique que je la reproduis textuellement :

« Il est de la plus haute importance que l’occupation de la ligne de l’Yser par les armées alliées soit maintenue coûte que coûte.

« Il y va de notre honneur d’aider les Belges dans cette tâche jusqu’à l’extrême limite de nos moyens.

« En conséquence, le passage de Dixmude devra être tenu par vous, tant qu’il restera un fusilier marin vivant, quoi qu’il puisse arriver à votre droite ou à votre gauche. Si vous êtes trop pressé, vous vous enterrerez dans des tranchées. Si vous êtes tourné, vous ferez des tranchées du côté tourné. La seule hypothèse qui ne puisse être envisagée, c’est la retraite. »

C’est net et clair. Je suis d’ailleurs parfaitement d’accord avec le général, et la seule hypothèse que je n’envisage pas est bien celle d’une retraite que je serais fort en peine d’exécuter dans les circonstances où nous sommes, car il n’y aurait pas d’opération plus difficile. La lettre du général vient cependant tout à fait à point, pour deux raisons : d’abord, elle allège, si elle ne l’enlève pas, le poids qui pèse de plus en plus lourdement sur ma conscience, à mesure que s’accroissent des pertes que je vois de trop près pour ne pas en être douloureusement affecté. En second lieu, l’accomplissement du devoir est d’autant plus facile que ce devoir est plus simple. Or, n’étant pas tout à fait du métier, je ne suis pas sans inquiétude pour le cas où il me faudrait manœuvrer, tout en restant fortement accroché. Du moment qu’il ne s’agit que de tenir bon jusqu’à destruction totale, je récupère immédiatement toute ma sérénité d’esprit.

A la fin de sa lettre, le général ajoute, d’ailleurs, que la 42e division (général Grossetti) va entreprendre de refouler les Allemands sur la rive droite de l’Yser.


25 octobre.

Au cours de la nuit, il ne se produit aucune attaque importante nulle part. Seulement des escarmouches d’avant-postes un peu partout, et toujours le bombardement général.