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loin, et, de ce point, les évacuations sont faites sur Furnes, soit par la route d’Ypres, soit par le chemin de fer vicinal qui la suit. Des postes de secours du front jusqu’à Forthem, et souvent jusqu’à Furnes, nos blessés sont transportés soit par des automobiles sanitaires de l’armée belge, soit par les automobiles de l’ambulance Munro qui est un organisme anglais privé. L’une des voitures de cette ambulance est conduite par une jeune miss aussi gracieuse que brave, qui nous a déjà rendu des services à Gand. Nous la voyons stationner tous les jours, et même la nuit, au passage à niveau de Caeskerke ou au pont de Dixmude, quelles que soient les circonstances, et elle a déjà conquis le cœur de tous les marins par son dévouement et son indifférence complète au danger.

Nos malheureuses voitures parisiennes de livraison résistent mal au dur travail qui leur incombe pour transporter notre ravitaillement de Ribelaar à Dixmude, par une route souvent fort mauvaise. Craignant d’être gêné de ce côté, je demande 6 camions automobiles à la Marine, mais la guerre a tout pris, la marine n’a rien, et je ne recevrai ces camions que beaucoup plus tard.


23 octobre.

Pendant toute la nuit, bombardement intermittent des tranchées, de la ville et de l’arrière. Une batterie allemande qui a évidemment de mauvais éléments de tir s’acharne sur la prairie qui contient notre tranchée-abri, et, sur notre couche de paille, nous sentons très bien la secousse d’arrivée de chaque obus. Fort heureusement, aucun ne tombe dans notre abri, et, d’ailleurs, aucun n’éclate dans la terre qui est très molle.

Pas d’attaque d’infanterie, ce qui permet la relève des unités fatiguées. Cependant, je vois venir le moment où je ne pourrai plus faire de relèves qu’au moyen d’échanges entre les avant-postes et le front de l’Yser qui est lui-même fortement battu par l’artillerie.

Le bombardement se prolonge dans la matinée, pour devenir violent dans l’après-midi. Des obus de plus gros calibre apparaissent, du 210 certainement, du 280 peut-être. En tout cas, les ravages produits sont considérables. A partir de la tombée du jour, les avant-postes repoussent, sans difficultés particulières, une série d’attaques d’infanterie qui paraissent déclenchées