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Lithuaniens du bassin de l’Oka dans celui du Dniepr. Ses successeurs, dont les Bolchevistes ont tenté de s’inspirer, ont obstinément poursuivi cette politique de compression. Pour la Pologne, le XVIe siècle a été fait tout entier de guerres et de trêves alternées. Dès 1512, l’Empereur Maximilien avait proposé à Vassili Ivanovitch un plan de partage de la Pologne. Celui-là devait mettre la main sur les provinces prussiennes; celui-ci se serait approprié la Lithuanie. Seule, la victoire des Polonais à Orcha les avait garantis contre cette spoliation concertée; victoire presque inespérée comme celle qui a, ces jours derniers, sauvé Varsovie. Cinquante ans plus tard, Ivan le Terrible, qui avait pris le titre de tsar, enlevait au roi Sigismond Polotsk en Lithuanie et les conquêtes polonaises de Livonie. Vainement Batory recouvrait-il ensuite les provinces perdues. À partir du XVIIe siècle, la Pologne n’allait plus cesser de reculer, jusqu’aux jours funestes des trois partages, devant l’action, tantôt distincte, tantôt combinée, de la Prusse et de la Moscovie.

A l’Ouest, c’est l’électeur de Brandebourg, Joachim Frédéric, qui se fait reconnaître, par les rois élus de Pologne, comme gouverneur de la Prusse ducale; c’est son fils, Jean Sigismond, qui réunit la marche brandebourgeoise aux possessions teutoniques et pose ainsi les premières assises de la monarchie prussienne; c’est Frédéric Guillaume Ier, le grand Électeur, qui par une longue série de manœuvres tortueuses, se fait attribuer la souveraineté de la Prusse ducale « pour le temps que dureront dans les mâles les Hohenzollern brandebourgeois; » c’est Frédéric III, dit le Fat, qui couronné « roi en Prusse » et sacré à Kœnigsberg, jette sur la Pologne un regard de plus en plus chargé de convoitise. A l’Est, c’est Michel Feodorovitch qui inaugure la dynastie des Romanov; c’est Alexis Mikhaïlovitch qui enlève à la Pologne la province de Smolensk, le duché de Sévérie, toutes les régions ukrainiennes situées sur la rive gauche du Dniepr, et qui fige, pour un siècle, au bénéfice de l’Empire moscovite, la frontière russo-polonaise.

Puis, avec le XVIIIe siècle, voici venir le déclin, l’agonie et la mort. L’idée d’un démembrement de la Pologne avait cheminé dans l’esprit de ses grands voisins. Ni Frédéric II, ni Marie-Thérèse n’avaient à l’inventer; il leur suffisait de l’emprunter à leurs prédécesseurs. Catherine eût préféré asseoir la domination russe sur une Pologne intacte, mais elle accepta la combinaison et l’humanité impuissante assista au crime de 1772, suivi bientôt de ceux de 1793 et de 1795. Dans le premier et le troisième, partage, la Russie, l’Autriche et la