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ambitions allemandes; et c’est ainsi que, dans une effervescence soigneusement entretenue par le pangermanisme, se sont produits les désordres meurtriers de Kattowitz, au lendemain même du jour où « une émeute anti-polonaise, » savamment montée, avait éclaté à Dantzig et où, à l’autre extrémité de l’Allemagne, dans la Sarre, une propagande de même origine avait provoqué une agitation correspondante. Il faudrait que les Alliés fussent bien gourds pour ne pas entendre les coups de bélier par lesquels on essaie d’ébranler, de toutes parts, les fondements du traité.

Depuis le début du drame polonais, l’Allemagne en a suivi, avec une attention très éveillée, les péripéties émouvantes. Constamment partagée entre l’espérance et la crainte, elle n’a cessé de supputer ses chances et de guetter l’occasion. Au moment même où l’armée polonaise se redressait, devant Varsovie, dans un admirable mouvement stratégique, un des organes officieux du Reich, la Gazette de Cologne, prenant un peu vite ses intimes désirs pour la réalité, annonçait déjà triomphalement la chute de la vieille capitale. Elle nous montrait la Pologne, battue et repentante, agenouillée devant l’Allemagne et renonçant à toutes les clauses qui ont été insérées dans le traité pour assurer son indépendance. Malheureuse Pologne, qui paraît éternellement condamnée à recommencer son histoire et à être alternativement la victime des Allemands et des Russes, voici qu’elle a, une fois de plus, à se débattre contre la double étreinte de ces ennemis héréditaires.

On sait qu’il y avait, dans l’article 87 du traité de Versailles, une lacune grave, rendue, à vrai dire, inévitable par la révolution russe. En proclamant la résurrection de la Pologne, cet article déterminait, bien entendu, la frontière commune de l’Allemagne et de l’État reconstitué; mais il ne traçait pas, et pour cause, les limites orientales. Il se bornait à dire : « Les frontières de la Pologne qui ne sont pas spécifiées par le présent traité, seront ultérieurement fixées par les principales Puissances alliées et associées. » Depuis que le traité est entré en vigueur, cette disposition est restée lettre morte. Les « principales Puissances alliées et associées » n’entretenant pas avec les Soviets de relations diplomatiques, il était impossible de procéder, avec l’assentiment de la Russie, à la délimitation annoncée. Mais, faute d’une démarcation contradictoire, il eût été prudent de nous entendre avec la Pologne sur la ligne qu’en aucun cas elle ne devrait dépasser.

Les gouvernements auraient sans doute pris cette précaution