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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La ville de Sèvres a maintenant, elle aussi, son fleuron dans la couronne de la paix. Le traité turc a été signé, à la manufacture nationale, au milieu des biscuits et des flambés. C’est lui-même un objet fragile, peut-être un vase brisé. N’y touchez pas. Jusqu’à la dernière heure, les conceptions opposées de la Grèce et de l’Italie sur les destinées de l’Ile de Rhodes ont failli tout faire échouer. Plusieurs fois annoncée, la cérémonie des signatures a dû être plusieurs fois ajournée. Elle a finalement eu lieu dans la lassitude et l’indifférence, et c’est à peine si quelques observateurs attentifs ont remarqué, avec un peu de mélancolie, qu’elle consacrait une redoutable diminution de l’influence française en Orient. Désormais une grande partie de l’Asie Mineure va être soumise, sinon à la souveraineté directe ou au protectorat, du moins au mandat de nations étrangères, et il n’y a point à nous dissimuler que la prospérité d’un grand nombre de nos établissements pourra, tôt ou tard, se trouver menacée par de périlleuses concurrences. Plus que jamais, le gouvernement de la République va avoir demain le devoir d’entretenir avec sollicitude cette immense floraison d’œuvres d’assistance et d’enseignement qui a jeté, dans le Levant, tant d’éclat sur le nom de la France. Si nous voulons savoir quelle était, à la veille de la guerre, l’importance de ces institutions et quelles seraient, par conséquent, nos pertes morales, si nous les laissions détruire, il n’est que de nous référer au très intéressant rapport que M. Maurice Pernot avait rédigé en 1912, pour le comité de défense des intérêts français en Orient, après un voyage d’études à Constantinople, en Égypte et en Turquie d’Asie. De l’enquête approfondie à laquelle il a été alors procédé, il ressort qu’avant les hostilités, toutes les échelles du [1]

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1920.