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hommes illustres, au beau milieu de leurs hauts faits, s’adonnaient au plaisir et prenaient du repos. Lui ne pouvait vivre que dans une tension continuelle et une action ininterrompue. Napoléon était une de ces rares personnalités historiques que la Providence divine choisit, qu’elle protège contre les périls de l’existence pour régénérer par des révolutions politiques et militaires l’humanité moralement et religieusement diminuée. »

Pour comprendre un tel génie, il s’est heureusement rencontré un Montgelas, le plus grand ministre qu’ait possédé la Bavière, l’homme qui, avec la collaboration française, a accru d’une façon inespérée le territoire national et a réalisé les plus chères aspirations du peuple. Doeberl reconnaît qu’à vrai dire Montgelas ne se souciait pas des intérêts allemands, mais seulement des intérêts bavarois. Il le justifie en faisant observer que tous les pays germaniques suivaient alors leur route particulière, que l’empereur de Vienne songeait à absorber l’électorat, et que la Confédération du Rhin était la seule solution possible. « Grâce à la France, dit-il[1], les convoitises annexionnistes de la maison de Habsbourg prirent fin. La France paya sa dette, cette promesse qu’elle avait faite d’agrandir en Allemagne un électeur de Bavière et de l’opposer à la maison d’Autriche. La Bavière devint réellement un État moyen. » Non seulement elle obtint les gains territoriaux qu’elle espérait, mais son vieux rêve de royauté s’accomplit : elle s’éleva à la pleine souveraineté, au moins dans la forme : désormais le monarque n’exerça plus ses pouvoirs par délégation de l’Empereur, mais en vertu de son droit personnel ; désormais il fut délivré du contrôle des organes impériaux, de l’Empereur, du Reichstag, de la Chambre d’empire ; désormais les réformes furent possibles sans recours des privilégiés devant les juridictions impériales. « La surveillance française, déclare-t-il encore, était seulement provisoire dans l’esprit de Montgelas, mais c’est du moins la France qui, par son exemple, a présidé aux transformations intérieures du royaume dans un sens libéral, tandis que la monarchie danubienne restait étroitement réactionnaire. »

D’autres auteurs ne se montrent pas moins favorables à la politique française de Maximilien Ier et de son ministre. Ledermann reconnaît que la France a satisfait pleinement les

  1. Doeberl, Bayern und die deutsche Erhebung gegen Napoléon I (dans les Abhandlungen der königlichen Akademie der Wissenschaften, Munich, T.24, 1906).