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le dédain, un dédain qui n’exclut pas toujours la courtoisie dans les relations qu’ils peuvent entretenir avec des Français. Chez d’autres au contraire, comme chez les pangermanistes, la haine se fait aveugle et violente : elle est toute semblable à celle qui, dans les milieux de même opinion, se manifeste en Prusse.

Mais il y a des groupes nombreux qui pensent d’une manière différente. Ce sont d’abord des démocrates aux idées assez avancées, des bourgeois éclairés dont le Simplicissimus à ses débuts exprime assez bien les tendances, des artistes qui ont vécu à Paris et dont l’influence est grande, surtout à Munich, puis quelques socialistes qui voient dans la France le pays de la liberté. Enfin les particularistes catholiques forment une masse imposante : ils ne renient rien du passé, et l’alliance d’autrefois a porté des fruits assez considérables pour qu’elle leur ait laissé des souvenirs. Donc, à première vue, les sentiments sont assez mélangés. On distingue facilement des ennemis violents, comme Fr. Koch-Breuberg, qui, en 1907, consacre un ouvrage aux hauts faits de l’année bavaroise pendant la guerre franco-allemande[1] ; il y blâme l’ambition de Napoléon III et de son peuple, parle des provocations françaises, glorifie le nouvel Empire : « Puisse mon petit livre, écrit-il en conclusion, réveiller la fierté des anciens combattants qui vivent encore ! Puisse-t-il inculquer l’amour de la patrie aux jeunes générations ! Salut à toi, Allemagne ! Salut à toi, Bavière, si tes fils reconnaissent que c’est la discipline allemande qui a ouvert les voies de Sedan ! »

Il y a aussi, je ne dirai pas des indifférents ou des résignés, mais des Bavarois qui se courbent devant le fait accompli et qui l’approuvent, quel qu’il soit, parce qu’il appartient à l’histoire nationale et que rien ne saurait le supprimer. Dans les milieux officiels, on célèbre tour à tour la Confédération du Rhin, la campagne de 1866 ou les victoires de 1870, les unes avec plus de mesure que ces dernières, mais sans rien désavouer. Des pinceaux officiels commémorent les faits d’armes de l’époque napoléonienne, ou bien Sedan, tout cela successivement et avec la même ardeur. C’est ainsi que la guerre franco-allemande a fait l’objet de nombreux tableaux : Hoffmann a peint les Bavarois enfonçant la porte de Landau à Wissembourg, et, dans la

  1. Fr. Koch-Breuberg, Die Bayern im grossen Kriege 1870-1871 (Ratisbonne, 1907).