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l’équilibre serait rompu dans l’Empire au profit des catholiques. Mais ils nourrissent le rêve de faire de l’Autriche, à l’égard de l’Allemagne, une espèce d’État vassal qui servirait d’avant-garde en Orient ; ils désirent affaiblir l’élément catholique dans la double monarchie, afin que celle-ci se laisse faire plus facilement et obéisse mieux à leur programme. »

On peut dire que, depuis 1871, la Bavière n’a jamais perdu de vue l’Autriche, et qu’elle a toujours pesé les possibilités qui, grâce à cette puissance, s’offraient pour elle de jouer un rôle ou d’alléger le joug prussien. En 1886, lorsqu’il se vit sur le point de succomber dans le guet-apens qui lui avait été tendu, Louis II invoqua l’aide de François-Joseph, et il est très probable qu’il trouva la mort au moment où il tentait de fuir vers la frontière tyrolienne. Les deux dynasties n’ont pas cessé d’entretenir de très étroits rapports. Les visites des Wittelsbach à Vienne étaient fréquentes, même en Hongrie, où Louis III possédait de vastes domaines. En 1910, le voyage d’Aerenthal à Berlin, avec arrêt bien marqué à Munich, provoqua en Bavière une satisfaction considérable, car l’on crut que l’Autriche cherchait à retrouver en Allemagne l’influence dont elle jouissait avant 1866. Les rapports économiques, toutes les questions qui se rattachent à la navigation du Danube ramenaient sans cesse l’attention publique vers la double monarchie. Celle-ci était en somme considérée comme n ne anti-Prusse et comme une alliée éventuelle, en attendant que peut-être un jour elle redevînt une rivale, ou même une ennemie.


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Les sentiments de la Bavière à l’égard de la France sont tout aussi complexes, mais plus curieux encore et demandent une étude détaillée. Les libéraux et les pangermanistes lui témoignent assez peu de tendresse. Parmi les premiers, quelques-uns n’ont pas oublié le grand rôle qu’elle a joué dans les destinées du pays, mais pour eux elle achève de mourir depuis 1871, et elle mérite seulement le respect que l’on doit aux grandes choses défuntes : l’avenir du royaume leur paraît orienté vers la Prusse, et, le cas échéant, ils n’hésiteraient pas à écraser l’ancienne protectrice, si de sa défaite devait naître une plus grande prospérité pour l’Allemagne. Cela avec des nuances individuelles, naturellement, et avec des degrés dans