Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vassal de la Prusse, songe à l’amitié de la double monarchie et veut que celle-ci soit assez puissante pour que le maître ne cède pas à la tentation de fantaisies arbitraires. On pourrait aussi sortir de toutes ces combinaisons vérifiées par le fait, et supposer que la Bavière, démesurément agrandie en Allemagne, retrouvât, après avoir supplanté la Prusse, la liberté de ses mouvements : alors elle ne manquerait pas de se retourner vers le Sud pour s’emparer par la force de l’héritage auquel elle prétend, le Tyrol, Salzbourg et la Styrie.

Mais pendant toute la durée de l’Empire, elle vit soumise à la domination prussienne. Il n’en faut pas plus pour qu’elle manifeste d’ardentes sympathies à l’endroit de l’Autriche. Les deux dynasties sont étroitement unies par les liens du sang. Les deux maisons régnantes sont catholiques ; catholiques sont également les populations des deux États, en forte majorité dans l’un, presque totalement dans l’autre. De là des intérêts communs et le même zèle à défendre la religion romaine. Les Bavarois approuvent la politique autrichienne en Pologne ; ils attaquent celle de la Prusse en Posnanie, où Berlin installe des colons protestants qui refoulent la population indigène en occupant les terres. Les Historisch-politische Blätter dénoncent cette offensive qui présage un nouveau Kulturkampf ; elles exhortent les députés du Centre à ne pas la soutenir. A la mort du grand patriote Florian de Stablewski, évêque de Posen et de Gnesen, elles consacrent à sa mémoire en 1906 un bel article, respectueux et ému, dans lequel elles se félicitent qu’il ait si courageusement défendu ses compatriotes. Un peu plus tard, elles rendent hommage aux Polonais parce qu’ils ont protégé dans les siècles passés les territoires allemands contre les barbares et parce qu’ils ont rendu au christianisme des services signalés. Ce sont là des titres que l’Autriche a su reconnaître beaucoup mieux que la Prusse.

Après 1870, les Bavarois, isolés dans un Empire où ils n’étaient pas les plus forts, se sont plaints avec véhémence que cette même Autriche ait été exclue de l’Allemagne. Ils ont exprimé ce grief lorsque furent discutées les Conventions de Versailles, puis à bien d’autres reprises, notamment au Reichstag par la voix de Jörg, le 6 novembre 1876. La conclusion de la Triple-Alliance leur a été un espoir et une consolation. Bismarck, en maintes occasions, leur a bien laissé