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sons pendant de longues années. La rive gauche du Rhin doit être occupée pendant quinze ans au moins, puisque l’évacuation n’aura lieu que si l’exécution du traité suit son cours normal et, pour y diminuer les troupes, il faudrait dans l’attitude de l’Allemagne un changement que rien ne permet d’espérer.

Les effectifs actuels sont le résultat de la présence de deux classes sous les drapeaux ; la France sera donc contrainte de garder le service obligatoire de deux ans. L’organisation de ses contingents indigènes coloniaux est une œuvre de longue haleine, dès maintenant activement entreprise. Si elle est continuée avec la suite qui a manqué jusqu’à présent à son exécution, on peut penser qu’elle permettra de remplacer en Europe et dans l’Afrique du Nord des contingents européens correspondant à la moitié d’une classe de recrutement.

La Belgique sera vraisemblablement amenée à des mesures analogues ; elle peut trouver dans ses possessions du Congo des ressources militaires semblables à celles que la France tire de ses colonies. Elle s’est abstenue d’y faire appel pendant la grande guerre, qui l’a surprise plus que toute autre Puissance. Aucune organisation ne permettait d’utiliser ces contingents braves, formés par la guerre coloniale, que commandait un corps d’officiers remarquable. La campagne contre les colonies allemandes se termina d’ailleurs au moment où la question du fret rendait difficiles les transports à grande distance, qui immobilisent les navires pendant longtemps ; en outre, on ignorait si les noirs pouvaient s’acclimater en Europe. Mais les mêmes causes produiront bien probablement les mêmes effets. C’est un surcroît de force très appréciable que la Belgique peut tirer de son domaine africain, dont la population, malgré les ravages de la maladie du sommeil, ne peut être évaluée à moins de 20 millions d’habitants.

Ce n’est pas tout d’avoir assuré le recrutement d’une armée ; il faut l’encadrer. La guerre aura appris tout le parti qu’on peut tirer des officiers de réserve, insuffisamment utilisés avant 1914. Elle aura fait pénétrer plus avant la notion du devoir militaire dans les classes moyennes de la nation. C’est le tout de l’homme que la Patrie réclame pour sa défense ; il sait maintenant qu’il manquerait à son devoir, le jeune homme qui, instruit, intelligent, vigoureux, fuirait les galons parce qu’ils l’obligeraient à quelques périodes d’instruction supplémentaires. Nos