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partagés. N’était-ce là qu’un vain simulacre ou une éphémère velléité ?

Personne ne peut supposer que l’Entente désavoue aujourd’hui, par incohérence ou par aboulie, les efforts qu’elle a faits, les années dernières, pour rétablir une Pologne viable et pour limiter, à l’Est comme à l’Ouest, les ambitions allemandes. MM. Lloyd George et Millerand se sont, de nouveau, rencontrés à Hythe et ont médité ensemble sur les lendemains de l’Europe. Le premier ministre britannique a reçu Kamenef et Krassine et de nouveaux télégrammes ont été échangés entre Londres et Moscou. Un langage plus ferme a été tenu, des mesures plus précises ont été étudiées ; on a essayé d’arrêter enfin, par des décisions communes, le cours des événements qui avaient surpris, dans son demi-sommeil, la diplomatie des Alliés. Mais la tâche est maintenant plus difficile qu’hier. Non seulement les succès des Bolcheviks ont enflé leur orgueil et accru leurs prétentions ; non seulement leur arrogance, encouragée par les défaites polonaises et par l’altitude hésitante du Cabinet anglais, est devenue, pour la paix du monde, une menace perpétuelle, mais tout nous permet de croire qu’il y a eu et qu’il y a entre le gouvernement de Berlin et eux des pourparlers secrets et, sans doute, des accords. Depuis un mois, des messages radiographiques, que de savantes combinaisons de chiffres rendaient illisibles, se sont mystérieusement multipliés entre le Reich et les Soviets. Ces silencieuses conversations aériennes engagées par-dessus l’immensité des plaines polonaises, ne laissent pas d’être inquiétantes. Si l’on n’y prend garde, tout ce qui s’est fait à Versailles peut achever de se détruire à Varsovie.


Raymond Poincaré.
Le Directeur-Gérant :
René Doumic.