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M. Briand, le 10 janvier 1917, en réponse à une question du président Wilson, laissait la porte ouverte à toutes les solutions possibles aux problèmes de la rive gauche du Rhin et de la fédéralisation de l’Allemagne : « 4° Restitution des provinces ou territoires autrefois arrachés aux Alliés par la force ou contre le vœu des populations… ; 8° Les Alliés n’ont jamais eu le dessein de poursuivre l’extermination des peuples allemands et leur disparition politique. » Il ne semble pas qu’au cours des négociations il ait jamais été fait allusion à ce pluriel très significatif.

Le danger de l’Est reste constant. Sans doute l’organisation de l’armée allemande a dû se camoufler ; mais les bureaux du grand État-major sont répartis dans les différents ministères et y continuent la préparation à la guerre en la généralisant ; les troupes seraient rapidement prêtes à entrer en campagne ; les cellules de la mobilisation existent, et prêtes à recevoir les 5 millions d’hommes qui viennent de déposer les armes ; les cadres sont ardents et rêvent d’une guerre de revanche ; les écoles primaires dressent des soldats, les universités des officiers de réserve. En 1808, Napoléon Ier n’a pas réussi à empêcher l’armée prussienne de se reconstituer ; il serait vain d’espérer un meilleur résultat des précautions actuelles.

Restent les mesures prises contre le matériel de guerre. Beaucoup peuvent être éludées : comment empêcher la construction d’avions destinés au service de la poste ou bien au transport des voyageurs, et qui pourraient servir à la chasse, à la reconnaissance ou au bombardement ? Il suffit de quelques plaques de blindage pour transformer un char d’assaut en tracteur agricole sur chenille. Une fabrique de corps creux se spécialise rapidement dans la production des obus, une usine de produits chimiques dans celle des gaz asphyxiants et des explosifs.

Néanmoins, il n’est pas indifférent de retarder le moment où l’Allemagne, après avoir commis la folie de déclarer la guerre, serait prête à entrer en campagne. À ce point de vue, les commissions chargées de surveiller son désarmement remplissent donc un rôle très efficace, notamment en détruisant tous ceux des canons qui n’ont pu être dissimulés et en empêchant dans toute la mesure du possible la construction de nouvelles pièces. Il est essentiel de surveiller la production et la