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tera sous la domination politique des Puissances de la rive droite qui l’occupent, la Prusse, la Hesse, la Bavière.

La garantie de l’alliance militaire avec l’Angleterre et les États-Unis, en cas d’agression injustifiée de l’Allemagne, s’est évanouie. Le président Wilson, du parti démocrate réélu à une très faible majorité, avait bravé les sentiments traditionalistes du Sénat américain en quittant le sol des États-Unis et en négociant avec les Puissances européennes sans le concours de cette assemblée, qui a refusé de ratifier le traité de paix et n’a même pas discuté le traité d’alliance défensive avec la France. C’est là une question de politique intérieure, et personne en France n’a attribué ce refus à un refroidissement de l’amitié profonde qui ne cesse d’unir les deux pays. Mais ce conflit entre le Président, et le Sénat américain pouvait être prévu et, tout en acceptant l’offre du président Wilson, on devait savoir qu’il promettait plus qu’il ne pouvait tenir, et demander à l’Angleterre que son offre d’intervention en cas d’agression de l’Allemagne ne fut pas subordonnée à l’attitude de l’Amérique.

La garantie que représente l’occupation de la rive gauche et des têtes de pont reste très sérieuse, mais, il faut le reconnaître, le fait qu’elle ne commence à jouer que dans cinq, dix, et quinze ans, lui enlève beaucoup de son efficacité. Toutes les conditions de l’armistice ont été exécutées parce que la coercition était toute prête. Le traité a été signé parce que les armées alliées étaient mobilisées, concentrées, et allaient se porter en avant pour occuper de nouveaux territoires allemands, et parce que leur marche, — le gouvernement de Berlin le savait bien, — eût été le signal d’une séparation très nette entre la Prusse et ses vassaux. Mais depuis, chaque fois qu’une clause du traité est arrivée à échéance, elle a été protestée : qu’il s’agisse de livrer des navires de guerre, des drapeaux, des avions, du charbon, des coupables, ou un Empereur. Et ces non-exécutions du traité n’ont été suivies d’aucune répression. Avec le caractère des gouvernants de l’Allemagne unitaire, une pénalité lointaine n’a qu’un effet très limité ; heureusement il y en a d’autres, et l’occupation de Francfort, Hanau, Darmstadt, en réponse à l’entrée des troupes allemandes dans la zone neutre, a été un événement des plus heureux.

La Ligue des Nations, dont le Pacte ouvre le traité de paix, est apparue comme une garantie d’exécution de ce traité, mais