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Arras. Des officiers d’état-major à cheval et des gendarmes, revolver au poing, essayaient de les arrêter et de les ramener.

Il était 15 heures ; ce fut le colonel Paulinier, très calme, qui me reçut et qui m’expliqua les choses :

— C’est la brigade d’infanterie qui a « éclaté » à Ficheux ce matin… Ils ont été jusqu’à Arras, magnétisés par l’attirance de la grande ville !… Il faut expliquer cela par la fatigue extrême de la troupe et par une assez violente concentration de coups de canon ennemis sur Ficheux, coups de flanc et de front, dont les plus dangereux semblaient provenir, à notre droite, du bois d’Adinfer… Il n’y a pas eu d’attaque d’infanterie. Nous avons immédiatement envoyé tous nos officiers « à la rescousse… » Voyez… Maintenant cela parait « se rabibocher. » J’espère pouvoir tout à l’heure rameuter tous ces braves gens à notre droite… Mais la plus grave des questions pour nous, la plus urgente, est maintenant celle des munitions… Si nous ne sommes pas ravitaillés cette nuit, nous ne pourrons plus nous battre, nos caissons seront vides ce soir…

Je quittai Dainville ayant l’impression très nette que, grâce au calme et à l’énergie du colonel Paulinier, tout le possible était fait au 10e corps pour arrêter le mal et rétablir la situation.

Mais cette histoire de la reconnaissance de l’aviateur en auto me hantait l’esprit, et, comme le lieutenant-colonel des Vallières m’avait dit, avant de partir, de lui « débrouiller la situation, » je résolus, avant de rentrer auprès du général de Maud’huy, d’y aller voir moi-même.

A 15 heures, je partis de Dainville sur Beaumetz…

Tout un groupe d’artillerie était en batterie le long du chemin, face au Sud-Est, les coffres vides et sans infanterie devant lui… Il attendait !… J’interrogeai les officiers. Ils ignoraient tout de la situation. Ils ignoraient même qu’il n’y avait plus un fantassin devant eux et qu’ils risquaient d’être « cueillis » par « les uhlans ! »

A Beaumetz, je trouvai le village évacué. Seul le curé était resté.

— Les uhlans, monsieur le curé ?

— Je n’ai encore vu personne, mon lieutenant, ni Français ni Allemand…

Je tournai à gauche et descendis à Rivière.