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rités locales étaient correctes et mêmes courtoises. Il avait commencé à organiser le ravitaillement avec ses propres ressources, en débutant par les plus nécessiteux ; les ouvriers et les paysans lui savaient gré de se préoccuper de leur sort et de rester accessible à tous.

Des relations économiques se nouaient avec la France, donnant au début les plus belles espérances. Dès que la porte d’entrée fut ouverte, un appel de marchandises françaises se produisit vers le Rhin ; pendant les quatre premiers mois, le total des importations se monta à 800 millions. Mais il eût fallu une contre-partie, l’exportation des produits rhénans en France. Vainement, le commandement français proposa l’envoi, dans les régions dévastées, de matériaux de reconstruction soit bruts, soit ouvrés : bois, fer, ciment, verre à vitres ; le gouvernement, au lieu de secourir les villages détruits par des sommes d’argent, les eût ainsi secourus avec une efficacité cinq fois plus grande pour la même somme, puisque ces matériaux étaient cinq fois meilleur marché en Rhénanie qu’en France, où on ne les trouvait d’ailleurs qu’avec une extrême difficulté ; la distribution de ces secours en nature n’eût pas fait concurrence aux produits français, puisqu’ils n’eussent pas paru sur le marché. Aucune des combinaisons échafaudées sur ces bases ne parvint à forcer la barrière, et ce fut une des causes les plus efficaces de la vie chère. Quelques produits rhénans parvinrent en France, mais par les intermédiaires anglais ou américains, grevés de frais de transport et de bénéfices supplémentaires et payés au détriment de notre change.

Cependant l’opinion publique essayait de suivre dans les informations de la presse française les travaux de la Conférence de la Paix ; de ces communications il semblait résulter dans les premiers mois de 1919 qu’un État autonome serait créé sur le Rhin, dont les limites n’étaient pas nettement indiquées, mais qui comprendrait à peu près les territoires occupés, augmentés peut-être de la Westphalie. Mais au commencement de mai, les conditions de paix commencèrent à être connues ; une grande inquiétude se répandit dans toute la Rhénanie : elle devait rester partagée entre la Prusse, la Hesse et la Bavière, et même le Grand-Duché d’Oldenbourg.

La Conférence de la Paix avait disposé des populations rhénanes sans les consulter, sans même prévoir qu’elles pourraient