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question de l’extradition, soutenus par la jeunesse universitaire, par l’armée, par une notable fraction du parti démocrate et du Centre, les partis de droite croiront, en mars, le moment venu de mettre fin au régime actuel et de disloquer la majorité gouvernementale. Ils l’accusent de vouloir durer contre le vœu populaire, contre les principes du parlementarisme lui-même. De là ce paradoxe qu’à la veille du coup d’Etat, la droite Invoque, contre le régime à démolir et à remplacer par la monarchie, les « principes de la démocratie ! »

C’est au nom de la « volonté nationale du peuple allemand » que ces partis veulent rétablir l’ancien régime. Sans doute, ils sauront dégager leur responsabilité au moment de l’insuccès notoire. Il n’en est pas moins vrai que le coup d’État a été le résultat, non seulement de l’organisai ion civile préparée par Kapp et de l’organisation militaire préparée par Ludendorff ou le colonel Bauer, mais encore de toute la propagande, si habilement conduite, des partis de droite. C’est eux qui ont créé l’atmosphère favorable. Peut-être leurs éléments modérés ne surent-ils pas ce qui se passait ; mais leurs chefs les plus actifs, Stresemann pour le parti populaire, Graese, Schiele et Westarp pour les nationaux-allemands, ont travaillé à l’organisation du Putsch militaire. Nous savons qu’il y eut, le 4 mars, une conférence entre von Luttwittz et les représentants des partis de droite. Et l’appel que Stresemann a lancé en plein Putsch nous rendra à jamais sceptiques et méfiants à l’égard des tendances de son parti.

Ce retour offensif du militarisme prussien était à prévoir. Ce qui le rendait probable, c’était une république sans républicains, c’était la violence même de l’agitation réactionnaire. Ce coup d’Etat n’en était pas moins une formidable erreur. Comme le disait Auguste Muller, dans les Sozialistische Monatshefte du 12 avril, ce fut un acte de pure et de lamentable sottise. Mais la pire folie de ces militaires, du colonel Bauer en particulier, fut de croire que les travailleurs soutiendraient pareille tentative. Ce sont eux qui, au contraire, l’ont étouffée dans l’œuf. Le gouvernement Kapp-Luttwitz ne pouvait durer que quelques jours. Et pourtant, si éphémère qu’ait été le Putsch, ses conséquences devaient être importantes sur l’évolution intérieure de l’Allemagne du 13 mars aux élections de juin.


EDMOND VERMEIL.