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hauts cris. La coalition défendait de son mieux le projet, qu’elle interprétait dans le sens d’une démocratisation nécessaire de la vie sociale et économique. Mais, en décembre, la bonne harmonie entre démocrates et socialistes majoritaires était rompue. On discutait alors deux problèmes redoutables : les travailleurs devaient-ils participer à la surveillance de l’entreprise et pouvaient-ils exiger la production du bilan ? Les démocrates disaient non et les socialistes oui ! Les premiers, pour éviter la rupture, firent des concessions et un accord s’établit. En janvier, le projet passera en troisième lecture, violemment attaqué par les indépendants et les réactionnaires. Il s’en faudra de peu qu’une seconde révolution n’éclate. Le Centre ne cachait plus ses inquiétudes. La droite profitait des manifestations berlinoises pour montrer que la coalition exaspérait, par ses concessions, les masses prolétariennes, au lieu de les satisfaire. Le socialisme majoritaire perdait de son crédit et ses deux alliés se laissaient intimider par les cris de la droite.

Le problème économique n’était pas moins dangereux. La solution moyenne était menacée. Réaliserait-on la socialisation ou supprimerait-on, au contraire, toute contrainte pour rétablir l’ancienne liberté économique ? Les indépendants réclamaient la socialisation intégrale ; la droite voulait le régime de libre entreprise. Mais comment éviter à la fois la meule capitaliste et la meule de la socialisation, en particulier pour cette pauvre classe moyenne qui, en février, au Congrès de Cologne, se déclarait prise entre deux feux ? Problèmes de l’étatisme et du libre-échange, des importations et des exportations, du change, etc. que de difficultés pour un gouvernement inexpérimenté ! En outre, l’aspect international de tous ces problèmes était si évident qu’au début de février, les grands journaux démocrates réclamaient la réunion d’une conférence et la création d’une « Société des Nations économique. »

Il y avait encore l’armée ! Epineuse question, étroitement liée à celle de la politique extérieure ! Affaire de la Baltique, commission d’enquête à Berlin, organisation de la Reichswehr pour le maintien de l’ordre, retour des prisonniers, extradition des coupables, autant de traquenards pour la coalition. La Commission d’enquête ne pouvait que déchaîner le nationalisme. C’est en vain que, soutenus par les indépendants, les socialistes majoritaires cherchaient à se laver de tout soupçon et à faire