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venue. Ils ne prévoyaient ni leur échec, ni les passions qu’ils allaient déchaîner. Deux mois se sont écoulés depuis le coup d’état et l’Allemagne, à la veille des élections, tressaille encore de la secousse reçue !

Pour expliquer le coup d’État, il suffira donc d’étudier la politique suivie par la coalition gouvernementale, au travers des pires difficultés, depuis l’automne 1919 ; de constater l’impuissance de la gauche socialiste ; de décrire l’évolution de la droite, sa critique du régime actuel, sa propagande active et les causes immédiates du Putsch militaire.


I

Après plusieurs mois d’abstention, pendant lesquels le socialisme majoritaire et le Centre avaient seuls gouverné, le parti démocrate, le grand « lâcheur » de Juin, reprenait sa place dans la coalition. Mais il posait ses conditions, pour la réforme financière et le projet de loi sur les conseils d’exploitation. Aussi les socialistes majoritaires, qui s’entendaient fort bien avec le Centre, voyaient-ils d’un mauvais œil revenir ces enfants terribles qu’étaient les démocrates.

Toutefois, la coalition, mutilée depuis la signature du traité de paix, avait intérêt à se reformer. L’accord se fait donc au début d’octobre. Les socialistes majoritaires perdront un peu de leur prépondérance et les démocrates se déclareront heureux de mettre fin à une situation anormale. « Car, disait la Frankfurter Zeitung du 2 octobre, on ne peut indéfiniment faire marcher ensemble Marx et l’Eglise. » Elle se gardait bien, d’avouer que les démocrates n’avaient pas obtenu les concessions demandées. Les partis de droite voyaient juste en remarquant que seul le Centre retirait un réel profit de la combinaison.

Le nouveau gouvernement annonce sans tarder son programme. Dans un grand discours, le chancelier Bauer souhaite la bienvenue aux démocrates et passe en revue les problèmes du jour. Il constate que la situation intérieure s’améliore, que les grèves tendent à diminuer. La loi sur les conseils d’exploitation conciliera, dit-il, les intérêts du prolétariat et ceux du patronat et on élaborera une législation sociale vraiment large et généreuse. Puis le chancelier aborde le problème militaire, réclamant des troupes pour le maintien de l’ordre, jouant avec