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Cette prodigieuse érudition, il l’a déversée dans des œuvres magistrales, telles que son Atlas archéologique (lequel représente plus de 600 pages in-folio), — ses Monuments antiques de l’Algérie, — et surtout cette définitive Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, dont quatre volumes ont déjà paru et qui synthétise tout ce que l’on peut savoir sur ce pays depuis les temps mythologiques et légendaires. D’ores et déjà, grâce à M. Stéphane Gsell, à sa critique impeccable et à sa science merveilleusement informée, nous pouvons nous représenter l’Afrique latine comme quelque chose d’aussi vivant, comme un monde aussi réel, aussi complexe et divers que l’Algérie ou la Tunisie contemporaine.

A côté de ces œuvres de haute érudition, il en est d’autres, dont l’accès est plus facile, livres de vulgarisation archéologique ou de critique littéraire qui ont contribué à éveiller, dans l’esprit du grand public, et à préciser l’idée de l’Afrique latine. L’Algérie romaine de Gustave Boissière, étude un peu arriérée aujourd’hui, mais animée par un sentiment si français de la tradition classique, par une passion si touchante et parfois si heureusement éloquente pour un admirable sujet, dont l’auteur sent toute la beauté, et toute la grandeur, — puis l’Afrique romaine de Gaston Boissier, œuvre plus élégante, plus méthodique, plus clarifiée, où manque peut-être le sens de l’Afrique et de l’Africain, mais facile, agréable à lire, toute pleine d’un sentiment très juste et très fin de la latinité. J’y ajouterais, avec une reconnaissance particulière, un ouvrage excellent, qui m’a ravi aux temps de mon arrivée en Algérie et qui m’a ouvert plus d’un horizon, Les Africains de Paul Monceaux. Je ne connais rien, en cette matière, de plus coloré, de plus intelligent ni de plus pénétrant. Les pages sur les contrastes et les contrariétés du sol et du climat, sur l’art d’Apulée, sur la Carthage romaine, ses cercles de lettrés et de savants, son université, excitent fortement l’imagination, sont de véritables reconstitutions historiques.

Mais tous ces travaux des critiques, des historiens et des archéologues, si éminents soient-ils, ne nous offrent qu’une image un peu fantomatique et insuffisante du passé, si nous la rapprochons du spectacle des ruines et des villes d’or ressuscites.

Après avoir été exhumées, quelques-unes de ces villes mortes