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l’abside et les nefs de son église, une ancienne basilique chrétienne. Le zèle de ces archéologues ecclésiastiques n’a pas faibli. Aujourd’hui, il convient de louer parmi eux, au premier rang, leur propre chef hiérarchique, l’actuel archevêque d’Alger, Mgr Leynaud, prélat aimable et disert, qui rappelle saint François de Sales, non seulement par une étrange ressemblance de visage, mais par une sorte de parenté spirituelle, par l’onction de la parole et du geste, l’agrément du style et de l’imagination. Curé de Sousse, il occupait, parait-il, ses journées à déblayer les kilomètres de catacombes qui s’étendent à l’ouest de la ville. Avec l’aide de quelques zouaves prêtés par le colonel de la garnison, ce fervent de l’antiquité chrétienne maniait la bêche et la pioche, déterrant des rangées de cercueils superposés, avec leurs inscriptions en lettres maladroites et naïves, leurs stucs coloriés, leurs morceaux de mosaïques…

N’est-ce pas charmant et tout à fait évangélique, cette silhouette de prêtre, armé de la bêche, — figure symbolique à peindre sur les murs mêmes des Catacombes : le bon Jardinier de la Mort qui creuse les sépulcres brisés pour en faire jaillir une vie nouvelle ?…


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Les prêtres, les soldats, les officiers de notre armée furent les ouvriers de la première heure, qui préparèrent les voies aux historiens et aux archéologues de profession.

Ceux-ci ont commencé leur labeur presque au lendemain de la Conquête. Mais il semble que, pendant longtemps, les vicissitudes mêmes de notre pénétration en Algérie aient influé sur la marche de leurs travaux. Il y a toute une période de tâtonnements qui va de 1830 à 1881, — à l’occupation française de la Tunisie. À cette période se rattache le nom d’un érudit, dont la mémoire est encore vivante à Alger. C’est le colonel Berbrugger qui dirigea, je crois, la Bibliothèque nationale de la rue de l’Etat-Major, qui fouilla le « Tombeau de la chrétienne, » ce colossal mausolée berbère, comparable aux pyramides d’Egypte, dont le dôme aplati couronne les collines du Sahel et s’aperçoit de la haute mer, — Berbrugger, le fondateur de la célèbre Revue Africaine, qui centralisa d’abord les découvertes archéologiques faites dans les trois provinces. En même temps que lui, d’autres érudits, ou amateurs d’antiquités, travaillaient à Constantine,