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soient manifestées, et la plus haute de toutes, la charité. Car la splendeur de l’héroïsme, c’est la Charité. » Et le Pape Benoit XIV ajoute que « l’excellence de ces vertus n’est établie, alors même que les actes vertueux sont nombreux et héroïques, que si, en outre, ils ont été accomplis avec promptitude, allégresse et dans une sorte de délectation qui est le caractère même de la sainteté[1]. »

Rien de plus vivant, comme on le voit, que cette active recherche* On veut que l’être désigné ait rempli son rôle dans toute sa plénitude et même qu’il en ait eu la joie. Quelle personne humaine répondait mieux à cette exigence, d’une si allègre philosophie, que notre vive et charmante française, Jeanne d’Arc ? L’avocat de la cause n’a pas manqué de rappeler, dans son discours, ce caractère singulier des vertus de Jeanne d’Arc, la spontanéité. Il frappait à la véritable porte quand il la montrait surhumaine par son humanité, et quand il mettait surtout en lumière ses véritables faits héroïques, ceux qui avaient pour objet de sauver sa patrie[2].

Ainsi c’est bien la Jeanne d’Arc patriote qui est célébrée et qui va être portée sur les autels. Ses « vertus, » ce sont ses actes.


L’enquête des miracles (de Miraculis) a pour objet d’affirmer les relations de la personne héroïque avec la Divinité : s’il était permis d’avoir, sur ces matières difficiles, un jugement, il semblerait que le contrôle de l’Église s’exerce surtout dans le sens de la sévérité et de la limitation. La pensée profonde que l’œuvre de la création, qui fut elle-même un miracle, n’est pas achevée et que l’exercice des lois éternelles peut être suspendu par la volonté qui les a dictées, plane sur les circonstances solennelles où les contacts s’établissent entre la Divinité et l’humanité. Mais, ceci réservé, les faits acceptés comme miraculeux par l’opinion populaire, du vivant de la personne humaine qui est en cause, sont d’avance écartés. Sont retenus seulement les faits qui se sont produits après la mort et dans des circonstances où l’autorité divine s’est affirmée nettement. Là aussi ce que

  1. Benedicti Papæ XIV, Doctrina de Beatificatione et Canonizatione. Edit. Bruxelles, 1840, p. 139 et suiv.
  2. Oratio Virginii Jacoucci advocati consistorialis de sanctorum cœlitum honoribus decernendis Beatæ Joannæ de Arc in solemni consistorio habita. Rome, Imprimerie du Vatican. MDCCCCXX.