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Le « Conseil suprême » aurait-il donc des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour ne pas entendre?

Le protocole relatif au charbon n’est pas beaucoup plus satisfaisant. Ce n’est pas que les quantités admises soient très sensiblement inférieures à celles qu’avait fixées la Commission des Réparations; avec les unes comme avec les autres, la France recevrait environ quatre-vingts pour cent de ses besoins et les différences sont trop légères pour qu’on s’y arrête ; mais ce qui est grave, le voici. Aux termes du traité, l’Allemagne devait livrer à la France, d’abord sept millions de tonnes de charbon par an, pendant dix ans, puis, en outre, chaque année, un tonnage égal à la perte subie sur les mines du Nord et du Pas-de-Calais. La Commission des Réparations avait toutefois la faculté de différer ou même d’annuler nos demandes, si elle jugeait que l’industrie allemande risquait d’en trop souffrir. Usant de ce droit, elle a longuement entendu les experts allemands ; elle a fini par se mettre d’accord avec eux; elle a établi des chiffres mensuels réduits, qu’ils ont acceptés; et elle a notifié au gouvernement allemand un programme de livraisons, qui, aux termes du § 14 de l’annexe II, était exécutoire, aussitôt communiqué. Les quantités prévues à ce programme n’ont pas été fournies. La commission a pris alors, pour la première fois depuis sa naissance, une grave détermination : elle a constaté officiellement que l’Allemagne n’avait pu remplir ses engagements et elle en a prévenu les gouvernements alliés. Elle agissait ainsi dans la plénitude de ses droits, en vertu du § 17 de la même annexe: « En cas de manquement par l’Allemagne à l’exécution qui lui incombe de l’une quelconque des obligations visées à la présente partie du présent traité, la commission signalera immédiatement cette inexécution à chacune des Puissances intéressées, en y joignant toutes propositions qui lui paraîtront opportunes au sujet des mesures à prendre. » Dans sa lettre du 30 juin, la commission disait aux gouvernements qu’elle ne croyait pas devoir formuler elle-même ces propositions, mais elle ajoutait que, étant donné l’intérêt général qui s’attachait à la fourniture du charbon dû au titre des réparations, elle jugeait désirable que les mesures nécessaires fussent prises d’un commun accord entre les Puissances alliées.

Qu’avaient à faire les gouvernements au reçu de cet avertissement solennel? Leur droit et leur devoir leur étaient indiqués par le paragraphe 18, dont je m’excuse de reproduire le mauvais français : le traité, hélas! est le plus souvent traduit de l’anglais: