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forme, faite par courtoisie vis-à-vis de nous, mais qui malheureusement ne change rien au fond des choses. Chaque fois que le « Conseil suprême » s’est réuni, il a laissé sur la table de ses délibérations quelques morceaux épars du traité.

L’expérience suffit. Arrêtons-nous là. À quoi bon donner maintenant un nouveau rendez-vous aux Allemands pour causer avec eux des réparations? Nous sommes fixés aujourd’hui sur leurs intentions et sur leur tactique. M. Ribot a rappelé que le docteur von Simons lui-même avait pris soin de nous prévenir qu’à l’heure actuelle l’Allemagne ne pouvait faire de propositions acceptables ; et, en effet, après qu’elle a eu l’effronterie de remettre à la Commission des Réparations un mémoire où elle évalue nos dommages à sept milliards deux cent vingt-six millions de marks, comment espérer qu’elle puisse nous offrir spontanément autre chose que des chiffres ridicules? Ridicules, c’est l’épithète dont se servait M. Raphaël-Georges Lévy dans le discours, concis et vigoureux, où il a, à la fois, démontré la mauvaise volonté de l’Allemagne et démasqué sa comédie d’indigence ; et il a conclu, lui aussi, qu’il fallait nous garder d’aller à Genève. Puissent ces judicieux conseils être entendus des Alliés !

La conférence de Spa, dont l’objet essentiel devait être le problème des réparations, a porté à peu près sur tout, sauf sur cette question primordiale ; et j’ai le vif regret d’être obligé de dire qu’elle a malheureusement justifié les craintes qu’elle m’avait inspirées. On avait précédemment passé condamnation sur la livraison des officiers coupables ; personne ne sait même plus aujourd’hui s’ils seront poursuivis devant les juridictions allemandes. Avant la réunion, M. Millerand avait été chargé par le Conseil suprême de signifier à l’Allemagne qu’elle devait désarmer sans nouveaux retards. La Conférence, après une longue et âpre discussion, a brisé cette résolution d’un jour et elle a accordé à l’Allemagne un délai supplémentaire qui doit se prolonger, par une série de paliers, jusqu’au 1er janvier de l’an prochain. Dans l’intervalle, le monde aura le temps de s’écrouler ; et déjà, en présence des événements de Pologne, qui n’ont pas été une grande surprise pour elle, l’Allemagne nous a donné à entendre qu’il allait lui être impossible d’exécuter ses nouveaux engagements, qu’elle avait besoin de ses troupes pour maintenir l’ordre chez elle et qu’elle allait même, sans doute, être obligée d’en envoyer en Prusse orientale. Comment se peut-il qu’à Spa, les chefs des gouvernements alliés n’aient pas tous aperçu, d’avance, les redoutables inconvénients du répit qu’ils laissaient à l’Allemagne?