un plaisir d’art. Dissection du cœur, émotion qui se connaît et se contient, jeux de l’amour et de l’esprit, c’est tout cela que nous avons retrouvé dans la pièce de M. Raynal, et qui nous a ravis.
Deux jeunes gens, Henri Guise et Simon de Péran, sont liés par une étroite amitié : Simon, tendre, ardent, impulsif, tout à l’amour où il se livre tout entier ; Henri Guise, plus froid, plus réservé, se prêtant à ses sentiments et ne s’y donnant pas, clairvoyant, ironique, grimpé dans son cerveau, enfin maître de son cœur. Entre eux une jeune veuve, duchesse s’il vous plaît, Aline de Rège, Simon en est amoureux et il est à la veille d’en être aimé. Elle va l’aimer, aujourd’hui ou demain, ce soir ou tout à l’heure, et rien n’est plus sûr… Parce qu’il est heureux et parce que tout son cœur jaillit sur ses lèvres, Simon, naturellement, nécessairement, à celle qu’il aime parle de son ami, à Aline de Rège parle d’Henri Guise. Il exalte leur amitié que rien, pas même l’amour, ne pourrait briser. Et il fait d’Henri Guise un portrait enthousiaste.
Le résultat est tel qu’il ne pouvait manquer d’être. Aline de Rège, pour être duchesse, n’en est pas moins femme et très femme, au pire sens du terme. Cet éloge de l’amitié, fait devant elle qui est l’amour, excite sa jalousie. Elle y voit une manière de défi. Elle se pique au jeu. Elle est attirée vers Henri Guise par ce qu’elle vient d’en entendre dire, par un certain attrait de mystère dont l’a paré son ami. Se peut-il que celui-là ne ressemble pas à tous les autres ? Aline est curieuse puisqu’elle est femme, et les confidences de Simon ont dirigé sa curiosité vers Henri Guise… Ce dernier trait surtout est de l’observation la plus juste et de la plus fine psychologie. Combien d’hommes ont été aimés, non pour eux-mêmes, mais pour la réputation qui leur était faite ! Combien de femmes dont le charme nous aurait laissés indifférents, si quelque parole imprudente ne nous avait forcés de nous en apercevoir ! On s’amourache sur la foi d’autrui. C’est ce que M. Raynal a très bien vu. Notez que sa duchesse, puisque duchesse il y a, connaît déjà Henri Guise. Elle vient chez lui. Elle lui parle sur le ton de la camaraderie. Elle n’aurait peut-être jamais pensé à l’aimer, si ce maladroit de Simon ne lui en avait suggéré l’idée…
Mais il n’est plus temps. A peine une courte absence de Simon laisse-t-elle Henri Guise en tête à tête avec Aline, il la trouve dans des dispositions très particulières et extraordinairement favorables. Si ce n’est encore l’amour, c’est le chemin qui y mène. La journée touche à sa un. Le crépuscule met de la langueur dans l’air. Les deux