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REVUE DRAMATIQUE


ODÉON : LE MAÎTRE DE SON CŒUR, par M. PAUL RAYNAL


Ce n’est plus guère la saison, au mois d’août, pour parler de théâtre. Mais le peu de place, dont je disposais dans ma dernière chronique, a été pris par les concours du Conservatoire. Et la pièce de M. Paul Raynal, le Maître de son cœur, ayant chance d’être la plus intéressante de celles qui ont été jouées cette année, je serais sans excuse de ne pas dire la joie que j’ai eue à l’applaudir. Voilà une pièce de pure lignée française et qui se place d’elle-même dans la suite de notre théâtre. Le public ne s’y est pas trompé. J’ai assisté à une représentation du dimanche : public de famille et public d’été. Pensez-vous qu’il se soit refusé devant cette pièce sans intrigue, sans péripéties, sans épisodes, toute en finesses et en nuances ? Il lui a fait fête, parce qu’il y a reconnu un son qui est expressément de chez nous. Et soyons justes pour les critiques : ils s’en étaient presque tous aperçu. Ceux qui font dater le théâtre du temps où ils ont commencé d’y aller, ont évoqué la manière de M. de Porto-Riche. D’autres, plus érudits, ont rappelé Musset, ou même poussé jusqu’à Marivaux. Ils auraient pu remonter plus haut encore. Car le courant vient de loin et traverse toute notre littérature dramatique. Si du Nord nous sont venus, à défaut de la lumière, la dissertation, la prédication, l’allégorie, le symbole et l’ennui, rien n’est plus purement français que le théâtre d’analyse. L’étude du cœur, voilà notre domaine. Le drame qui nous intéresse, c’est celui qui naît du conflit des sentiments. Nous voulons de la passion au théâtre, et de la passion qui sache s’expliquer avec lucidité et s’exprimer avec délicatesse. Nous raffolons de la conversation, où nous excellons parce que nous avons l’intelligence ouverte et l’esprit agile. Nous y prenons