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Schwarzenberg, et pour la troisième reprise, tentant un mouvement nouveau sur les arrières de l’ennemi qui, cette fois, ne se laisse plus manœuvrer, ni détourner de Paris.

Et voici maintenant le drame suprême, celui de 1815. Cette fois le général Lyautey ne raconte pas les événements, qui sont supposés connus de tous, mais il discute en passant la question souvent posée, si le génie de l’Empereur a fléchi à Waterloo. Mais la discute-t-il ? Ou cette discussion n’est-elle pas une raison de poser publiquement trois axiomes. D’abord un chef de guerre ne peut rien sans un bon état-major : « Au point de vue technique, ce qui a manqué surtout à l’Empereur, c’est son chef d’état-major coutumier, celui qui assure l’exécution jusqu’aux moindres détails, qui sait qu’il n’y a jamais trop de précautions, trop de précisions ; qu’ici surtout, il n’y a pas de petites choses. La première condition du commandement suprême, c’est la pleine liberté d’esprit du chef, la certitude à lui assurée que sa pensée, jetée au vol, recouvre immédiatement sa forme et se transmettra sans une perte de temps, sans une déformation, jusqu’aux plus lointaines extrémités… » Il est bien évident que celle apologie précise, excellente, irréfutable de l’état-major, au milieu des polémiques présentes, n’est pas exclusivement destinée aux historiens de 1815.

Le second axiome, c’est qu’un général ne doit pas être importuné par les soucis politiques. La veille de Waterloo, l’Empereur « avait dicté plusieurs lettres nécessitées par les ennuis et les embarras que lui causaient les intrigues de la Chambre des Représentants. » Ici le souvenir d’une certaine séance à la Chambre, en 1917, est assez facile à reconnaître. Enfin le troisième axiome, c’est que la foi dans la victoire détermine la victoire : celle confiance avait décliné en 1815 dans l’âme du grand vainqueur. L’histoire le signalera comme un des traits sublimes de cette guerre, comme le signe propre d’un Joffre et d’un Foch. À celui-ci le général Lyautey rend aussitôt le plus bel hommage qui puisse être décerné à un soldat. « Il y a quelques mois, dit-il, aux avant-postes du Maroc, nous lisions le récit d’une cérémonie célébrée dans la chapelle des Invalides, à laquelle assistait au premier rang le généralissime des armées alliées, et à tous, nos regards se le dirent, il semblait que la grande ombre se dressât du sarcophage de granit pour accueillir celui en qui elle reconnaissait un émule. »

Ainsi nous avons passé d’une étude de politique intérieure à propos d’Alcibiade à une leçon de psychologie militaire, à propos de