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trompez pas à cette allure martiale. Tout cela n’est pas simple. Dans notre temps, où les civils parlent ouvertement, il n’y a plus que les militaires à envelopper leur pensée de sous-entendus. Déjà le maréchal Foch nous avait insidieusement raconté une campagne de Villars, qui était une leçon propre à nous faire entendre la manœuvre de 1914. Le discours du général Lyautey a été une longue allusion, dont l’obscurité transparente invitait aux applaudissements. Mais en même temps, ce discours a été composé suivant les règles de l’art. Toutes les fois que l’œuvre d’Henry Houssaye prêtait à un développement, son successeur ne manquait pas l’occasion d’écrire un couplet éloquent. Mais tant vaut l’homme, tant vaut l’éloquence. Loin d’être un ouvrage de rhétorique, chacun de ces couplets était une étude solide et pleine de sens. On pourrait reconnaître et numéroter ces épisodes ; mais chacun a une valeur et une signification.

Le premier avait pour prétexte l’histoire d’Alcibiade que Houssaye écrivit avant et après la guerre de 1870. L’antiquité reste pour nous un prodigieux répertoire de leçons et d’exemples. Le général Lyautey a fait un vivant tableau de cette Athènes à gouvernement direct, à charges de courte durée, à conseils nombreux, de cette Athènes des soviets, qui périt en cinquante ans. Tout homme populaire, tout général vainqueur y était un objet de soupçon, et le peuple préférait presque le stratège vaincu, qui n’était pas dangereux, au victorieux dont il craignait tout. Alcibiade, idole du peuple, connut ces méfiances ; à la veille d’une bataille, il avait à répondre aux intrigues politiques ; cela se voit encore de nos jours : à bon entendeur salut. « Aussitôt après le départ d’Alcibiade pour l’Armée, l’orage s’était déchaîné sur l’Agora, au milieu de la violence des uns, de la défaillance des autres, histoire éternelle des Assemblées à travers les siècles. » Le général, au moment d’engager l’action, est rappelé à Athènes. Il sait qu’il sera condamné. Il se réfugie à Sparte. Athènes, privée de son meilleur chef, est vaincue. Les soldats réclament Alcibiade ; il revient, il rétablit les affaires, il est nommé généralissime. Mais cette dignité réveille la défiance. « A la suite d’un échec d’importance secondaire, facilement réparable, subi en son absence par un lieutenant inhabile, c’est à nouveau la volte-face à Athènes. Il est révoqué. » Alcibiade se réfugie en Chersonèse. Athènes se donne des généraux incapables, qui la perdent. En vain le proscrit les adjure de l’écouter, ne fût-ce qu’un jour ; la fortune de la cité sombre à Egos Potamos. La capitulation suit la défaite. La tyrannie des Trente étouffe la liberté. « Athènes subit un joug