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RÉCEPTION
DU GÉNÉRAL LYAUTEY
Á L’ACADÉMIE FRANÇAISE

Le général Lyautey, reçu le 8 juillet par l’Académie française, a été reçu en triomphe. L’allure dégagée, le front carré sous un éventail de cheveux blancs qui divergent en brosse, le nez bien marqué, la moustache rousse, la voix comme usée par le commandement, le proconsul du Maroc lit avec fermeté un discours d’une éloquence militaire. Accoudé au petit pupitre qui porte le verre d’eau, tantôt il scande du doigt la parole, tantôt il referme la main sur le pommeau de l’épée. Parfois les épaules ont un mouvement de gauche à droite, une sorte de ballant, comme celui d’un lutteur qui s’apprête, et il attaque sa phrase, la tête en avant. Ou encore il passe à M. Bourget, l’un de ses parrains, la feuille qu’il vient de lire ; et M. Bourget, d’un geste infiniment las, entasse cette feuille sur les autres. Il m’a semblé que le public était conquis peu à peu, et que les applaudissements étaient plus pressés à mesure qu’ils se répétaient. La péroraison a été acclamée. On a salué cette pensée claire, ce style simple et droit de soldat, cette concision avec cette finesse, ce jugement, cet art de voir et d’énoncer.

Ce n’est pas la tranquillité robuste du maréchal Joffre ; ce n’est pas le masque tourmenté du maréchal Foch ; c’est quelque chose de hardi, d’allant et de net. Cet académicien a gardé son air de colonel de hussards. Il lit son discours comme un ordre du jour. Il ramasse la pensée et le son dans le dernier mot de ces phrases martelées, faites pour être dites devant le front des troupes. Après chaque paragraphe, on attend que les clairons sonnent. Mais ne vous