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de la Russie : » Aux assertions gênantes, aux témoignages accablants, aux jugements abondamment motivés, j’oppose la sérénité tenace d’une foi volontaire.

La guerre universelle est encore ajournée. Mais de ce voyage, je rentre certain que ce n’est pas pour longtemps. Et c’est d’Orient que partira l’étincelle fatale. Au printemps de 1914, je parcours les Balkans. A toucher du doigt les matières inflammables qui y sont accumulées, il faut prévoir l’ampleur de l’incendie. Ce qui se prépare, ce ne sera pas une petite guerre franco-allemande, c’est un embrasement général d’où sortira une nouvelle distribution de monde.

D’un tel embrasement seul peut, selon la vision géniale de Mickiewicz, renaître la Pologne. Mais l’imagination se perd à envisager le processus de sa résurrection.

La guerre qui s’approche mettra aux prises, dans des camps opposés, ses deux bourreaux, Prusse et Russie. Comment en sortiraient-ils tous deux assez vaincus pour qu’elle émerge, vivante, de leurs ruines ?

Hypothèse d’Apocalypse, quasi inconcevable, et qui va devenir la réalité.

Mais il va falloir des années de géhenne et les plus effroyables massacres de l’histoire pour que l’aube se lève.

Tant que la Russie demeure à son poste, les Alliés mettent leur honneur à lui faire foi. Hélas ! que de déceptions suivent la fameuse proclamation du grand-duc Nicolas ! Si tous les trains qui amènent des popes en Galicie avaient été chargés de munitions, Berlin et Vienne auraient pu trembler. Mais c’est avec des bâtons que se battent les soldats de Rousski et de Broussilof.

La Russie s’écroule. En plein champ de bataille, la Révolution trahit les alliés, déserte.

Alors seulement, déliée du pacte, l’Entente peut librement et officiellement proclamer parmi ses buts de guerre Le rétablissement d’une Pologne indépendante. Il apparaît si intimement lié au triomphe du droit que les champions mêmes du tsarisme déchu cessent d’y rien objecter.

Mais, par une amère dérision du sort, c’est au moment où le territoire tout entier die la Pologne est occupé par l’ennemi que se place cette reconnaissance. Isolée de l’Entente, la Pologne est réduite à une résistance passive devant les manœuvres